De l’Arizona à la Californie
Un anniversaire avec vue
Nous repartons en milieu d’après-midi, direction le Grand Canyon, et faisons une halte pour la nuit au Yabba-dabba-doo RV Park : tout ici fait référence à la série des Pierrafeux.
De la grotte-maison d’accueil au squelette de dinosaure à l’extérieur, en passant par la déco intérieure.
« Vous avez le wifi ?? »
« Héhéhé ! non ! On est chez les Pierrafeux ici ! »
Carrrrrrammba !!! On aurait dû s’en douter!
Le lendemain matin, nous profitons de la laverie pour faire notre lessive. Mais nous évitons quand même les douches, dont le dernier nettoyage a dû être fait à l’âge de pierre. Concept jusqu’au bout.
Les filles travaillent dans le camping-car, pendant que Jean fait du Français avec sa maman sur une table de pique-nique sous le soleil de l’Arizona.
On a vu pire pour une dictée.
Nous prenons la route du Parc à midi, et, pour la première fois dans ce road trip, nous avons un peu le sentiment d’être à Disneyland.
Les parkings sont immenses, on doit s’y garer et prendre des navettes pour circuler. Les chemins sont goudronnés, et nous retrouvons les cohortes de chinois avec leurs perches à selfies.
Charlotte et les enfants prennent la route du visitor center, et se vengent sur le wifi gratuit pendant que je profite d’une sieste dans le camping-car.
Seul. Enfin.
Nous attendons le coucher du soleil pour voir le Grand Canyon s’enflammer. Malgré le monde, le spectacle est grandiose, et nous comprenons pourquoi tant de monde vient mitrailler ce monument de la nature, qui représente si bien l’Amérique et la richesse de ses paysages.
Le soir, nous regardons Les Aventures d’Huckleberry Finn, que je viens de finir en livre, et que Jean a adoré en film.
Pendant ce temps, Charlotte prépare en catimini un gâteau au chocolat, avec la moitié seulement des ingrédients, et finalement du Nesquik à la place du chocolat.
Personne ne soupçonne rien, malgré l’odeur de chocolat qui flotte dans le camping-car.
Le lendemain, la surprise pour Jean est totale, et le gâteau, savoureux.
Le temps de souffler ses bougies au réveil, et tout le monde se prépare à repartir. Pause au Starbucks Café parce que, vous l’aurez compris, on commençait à être légèrement tendus du wifi.
Jean découvre avec bonheur ses cadeaux achetés quelques jours plus tôt à Terlingua: une toque de Davy Crocket (l’homme qui n’a jamais peur), un squelette de rat en plastique (son idée évidemment, pas la nôtre) et un ours en peluche, qu’il baptisera vite « Bend », comme Big Bend.
Nous entrons de nouveau dans le Grand Canyon, pour nous promener le long de son côté sud.
Mitraillage en règle pendant 2 heures.
Nous slalomons entre les touristes du monde entier sur le chemin du retour, pas mécontents de quitter la foule.
Juste à la sortie du parc, nous tombons sur un troupeau d’énormes cerfs, qui broutent paisiblement au bord de la route.
Tant pis pour l’embouteillage que nous créons, nous restons quelques minutes pour profiter du spectacle.
Hittin’ Road 66
Nous récupérons la route 66, alors que le soleil se couche sur des plaines herbeuses à perte de vue. Je parle anglais avec Louise, qui note consciencieusement tous les nouveaux mots qu’elle apprend, puis ne peux m’empêcher de mettre l’album « Folsom » de Johnny Cash à fond dans la voiture.
Nous longeons la voie ferrée et, lorsque nous dépassons un train de marchandise tirée par la locomotive qui éclaire la plaine avec son phare puissant, j’ai le sentiment de vivre un instant suspendu.
Encore mieux que ceux auxquels je rêvais en préparant ce voyage.
Juste avant Kingman, nous faisons une halte chez « Mike’s Outpost Route 66 Diner ».
Tout y est: le juke-box, le billard, le catch à la télé, les dollars signés par les visiteurs collés au plafond, le rock FM à fond dans les enceintes, les murs recouverts de signatures; le bar avec ses monnaies du monde entier, ses mues de serpents à sonnettes, ses couteaux papillons ; la serveuse tatouée derrière le bar, qui nous accueille avec un grand sourire.
Le restaurant est vide et va bientôt fermer. Il est à peine18h30: une heure très tardive pour dîner en Arizona apparemment!
Nous prenons quand même le temps de profiter du lieu. Petits et grands s’émerveillent de chaque détail pendant que la patronne nous prépare de délicieux burgers, que nous dégustons dans le camping-car, devant le restaurant qui ferme ses portes.
Elle revient toquer quelques instants plus tard avec des cadeaux pour Jean.
Il s’endort avec des étoiles pleins les yeux, et le sourire aux lèvres.
Nous traînons un peu à Kingman le lendemain: un ville typique de la route 66, que les Américains savent mettre en valeur.
Je tombe sur un garage de vieilles voitures, et les photographie avec l’envie d’en ramener une dans mes bagages. Mon esprit consumériste revient au galop. Dans une boutique d’objets d’époque, Jean a envie de tout acheter, surtout les chapeaux de cow-boys :
« Mais si, ça peut passer dans ma valise ! ».
L’esprit consumériste se transmet de père en fils visiblement.
Nous quittons la route 66 pour bifurquer à l’ouest.
Juste avant d’arriver en Californie, nous traversons une tempête de sable. Le vent souffle tellement que le camping-car flotte littéralement sur la route.
Je suis cramponné au volant, carrément pas rassuré. Nous passons la Colorado River en faisant des maths avec Jean, et l’impression de faire la route du Rhum au volant d’un camping-car.
Ce passage signe notre entrée en Californie.
California Soul
Le vent ne baisse pas lorsque nous arrivons dans la réserve du Désert de Mojave. Le temps de s’arrêter au visitor center – une ancienne gare-hotel-restaurant de la Union Pacific Railroad – pour récupérer une carte et se renseigner sur un endroit où dormir, et nous repartons en direction des dunes de Kelso, qui se découpent sur un soleil couchant encore une fois magnifique.
Arrivés de nuit au terme d’une longue route de sable complètement défoncée, nous arrêtons le camping-car au pied des dunes, et sommes immédiatement halpagués par notre seul voisin: Richard.
Sa barbe à la ZZ Top, son look de biker à la retraite et son rire communicatif nous mettent tout de suite en confiance.
Nous convenons de nous retrouver le lendemain autour d’un bon feu de bois. Enfin, si le vent se calme. Impossible de démarrer le générateur, pas de réseau, mais une voûte étoilée incroyable.
Le lendemain, Richard nous attend, bon pied bon oeil, mais un peu déçu de ne pas pouvoir faire de feu, à cause du vent qui souffle encore. Il nous fait visiter son immense camping-car, la jeep qu’il tire derrière, nous montre ses photos de famille, et nous raconte sa vie à Seattle.
En deux secondes, il redémarre notre générateur, et m’explique tout ce que je dois savoir sur cette fameuse batterie auxiliaire.
Je me sens un peu con, mais rassuré.
Il est à peu près aussi bavard que moi, hyper marrant, et nous nous entendons vite comme larrons en foire. Lorsque nous lui racontons l’anniversaire de Jean la veille, il revient quelques instants plus tard avec une peluche de cochon habillé en Harley. Jean est trop content. Harley Pig rejoint donc la cohorte de peluches que nous traînons depuis notre départ, à mon grand désespoir.
Son dos ne lui permet pas de se promener avec nous dans les dunes, donc nous partons en famille à l’assaut de ce désert au milieu du désert.
Le spectacle est magique.
Le vent s’est calmé. Nous scrutons les empreintes et devisons sur la faune locale. Devant nous, la plus haute dune.
Jean gambade comme un cabri et entreprend de l’escalader sans nous attendre. Au bout de 20 mètres d’ascension, tout le monde est complètement claqué, sauf Jean qui continue de grimper, encore et encore. Il est déjà au sommet que nous ne sommes qu’à la moitié. Je crache mes poumons, Charlotte est toute rouge, les filles luttent. On s’arrête tous les deux mètres. Mais personne n’entend renoncer, d’autant qu’on ne voit même plus Jean, et qu’il serait capable de remonter une autre dune si on ne l’arrêtait pas à temps.
On va pas se laisser tauler par un enfant de – tout juste- neuf ans quand même!
Sans cette idée fixe, et une bonne dose d’amour propre, aucun de nous quatre n’aurait eu la force de le rejoindre.
Nous ne regrettons pas la vue qui s’offre à nous une fois au sommet: les dunes de sable, et , plus loin, le désert rocailleux du Mojave à perte de vue. Tout ça rien que pour nous.
La descente est nettement plus marrante, et rapide que la montée!
Dès notre retour , Richard se joint à nous et nous discutons pendant 2 bonnes heures.
De sa vie de vétéran du Vietnam, de bécane, des westerns que son ex beau-père écrivait, de sa famille, de football américain, de la région, de son ex-femme. Il est vraiment excellent, et on sent que les enfants l’apprécient aussi.
Nous le quittons à regret, non sans avoir échangé nos coordonnées, et quelques cadeaux.
Avant de quitter le parc, nous traversons des montagnes de granit. Comme ceux de Perros Guirec que nous connaissons bien, mais à la sauce américaine: plus grands, plus hauts, plus forts!
La route est, encore et toujours , très belle . Le paysage reste désertique, mais nous sentons avec Charlotte ce « je ne sais quoi » qui nous dit que nous sommes en Californie. Les palmiers commencent à apparaître, le voitures reprennent – presque- une taille normale, le trafic se densifie.
Un retour progressif à la civilisation.
Palm Springs
Nous arrivons en début de soirée dans un énorme camping au nord de Palm Springs, avec ses propres sources d’eau chaude. Une sorte de resort pour camping-cariste. 480 emplacements, du personnel en nombre qui circule en voiturette de golf. Piscines, supermarché, mini-golf.
Tout est nickel. Rutilant.
Sitôt les enfants couchés, nous testons les bains avec Charlotte, et savourons un peu de tranquillité et de confort après ces quelques semaines en mode gitan. L’ambiance est très « voisins vigilants » : un gardien aux faux airs de Prof dans les sept nains fait des tours dans sa voiturette, armé d’une maglite surpuissante, et surveille nos moindres faits et gestes.
Le lendemain, nous profitons de la journée pour nous prélasser, dans les piscines chauffées naturellement à 30.000°. Les enfants vont et viennent, et nous observons la faune locale : un « roadrunner » rôde autour de notre camping car, curieux, mais craintif. Dans la piscine, c’est une autres espèce qui barbote : le retraité californien. Permanente blonde platine, léger embonpoint (comptez une 100aine de kilos, et convertissez en pounds et rajoutez encore 10 kilos), visière de golf sur la tête, et maillot léopard.
Avant de reprendre la route le lendemain, nous croisons un défilé de vieux personnes âgées en voiturette, drapeaux américains à la main: nous sommes le 11 novembre, et je pensais au départ qu’ils célébraient l’armistice, comme leur président venu en France pour l’occasion. J’ai compris plus tard qu’ils préparaient en fait le « Veteran’s day » du lendemain. Un jour férié aux Etats-Unis, pour rendre hommage à tous les vétérans de guerre.
Nous roulons quelques kilomètres jusqu’à Palm Springs. Le lieu parfait pour Ken et Barbie lorsqu’ils veulent faire un peu de golf! Les enfants n’ont bientôt plus assez de doigts pour compter les Tesla qu’ils croisent: elles sont au Californien ce que le pick-up survitaminé est au Texan !
Nous nous arrêtons dans quelques hôtels « mythiques » de la ville : le Ace hotel, très design chic, et le Saguaro, un motel multicolore dans lequel se pressent de jeunes gens chics et branchés.
Mais plus que les hipsters, ce sont surtout les dizaines de colibris qui butinent de fleur en fleur qui intéressent les enfants.
Après un déjeuner dans le camping-car, nous nous dirigeons vers Joshua Tree, pour tenter d’y passer la nuit. Sur la route, nous croisons des champs d’éolienne à perte de vue, nouvelle preuve que nous sommes en Californie.
Malheureusement, nous ne sommes pas les seuls à avoir eu cette idée, et le fait que nous soyons au milieu d’un week-end de trois jours ne doit pas aider : tous les emplacements du parc sont déjà réservés. Nous profitons quand même des lumières de la fin de journée pour y faire une première incursion, et repartons en quête d’un lieu pour la nuit…
Peine perdue : le camping à la sortie du parc est lui aussi complet, et nous échouons finalement sur le parking d’un Walmart…
So romantic !
Le parc que nous visitons le lendemain est loin d’être aussi désertique que ceux que nous avons visité jusqu’alors, mais il vaut quand même le détour. D’immenses rochers de granits entassés forment des petits monts par dizaine, que les passionnés d’escalade grimpent, attachés ou non.
Nous avons beaucoup aimé ce parc, certes fréquenté, mais en même temps si grand que chacun peut y trouver un peu de l’immensité qu’il recherche.
Là encore, des musiques me reviennent en tête, parmi lesquelles les « Desert Sessions » de Josh Homme et ses copains, les désormais fameux Eagles of Death Metal.
Ironie du sort, nous sommes déjà le 13 novembre en France, et je vois les hommages du Bataclan arriver en nombre sur les réseaux sociaux. Sur la route, qui se transforme en autoroute immense, je fredonne « Wanna be in LA », et je pense à mes amis présents dans la salle ce soir-là…
Nous sommes à moins de deux heures de Los Angeles, mais nous devons rendre le camping-car le lendemain avant 11h. Pour éviter de raquer 75$ par heure de retard, nous repérons le camping le plus proche de notre loueur, à Anaheim. Les commentaires disent tous qu’il est faisable d’aller à pied du camping jusqu’à Disneyland, mais qu’une voiture n’est pas à exclure. Je googlise le trajet, pour me rendre compte que nous sommes à 750m du parc…
Sportifs les américains, mais pas trop quand même !!!
Le vent souffle terriblement, et les habitants sont inquiets des incendies qui ravagent le nord de l’Etat, jusqu’à Malibu.
Malgré notre joie d’être à Los Angeles – et de laisser notre camping-car sans une égratignure, nous sommes un peu fébriles au moment de passer le « check-out » du véhicule. Nous nous postons adroitement devant le(s) tiroir(s) cassés, et, finalement, ça « passe crème » comme dirait Louise !
Le Congo respire, et moi avec : je récupère ma caution, et ne perdrais pas ma maison pour une égratignure.
End of the road!
Goodies
Livre à lire : De Flagstaff au Grand Canyon, je n’ai cessé de repenser au livre « Au-delà de l’Avenue D » de mon oncle Philippe Marcadé, et de l’aventure que nous avons vécue ensemble lors de son écriture. Plus que l’épopée New Yorkaise, c’est surtout le « road trip halluciné » du début auxquels tous ces lieux font référence. Si vous ne savez pas lire, vous pouvez toujours l’écouter!
Un véritable pèlerinage pour nous? Trop beau le colibri.
C’est fou cette immensité. On réalise à quel point on est petit, vraiment petit !
Tous les copains de la classe ont bien pensé à Jean le jour de son anniversaire… l’occasion de voir à quel point Jean a laissé du vide dans la classe et combien il manque à Gaby !
Baisers pour chacun !
Fantastique! (ou, comme ils disent là où vous êtes: Awesome! ) Il faut que je lise ce livre, alors..!!!
Vous nous faites rêver les copains………….