Cali et Salento, dans la vallée du café
Cali, la ciudad caliente
Le chauffeur qui nous amène à notre hostal nous raconte l’histoire de la ville et les enjeux actuels, entre corruption et narco-trafic toujours omniprésents malgré le démantèlement des cartels, celui de Cali au premier chef.
Malgré ses défauts, la série Narcos explique bien « l’ubérisation » du trafic de drogue en Colombie: loin d’avoir fait diminuer la fabrication et l’export de cocaïne, la chute des deux grands cartels – Cali et Medellin – ont donné naissance à une multitude de petits groupes, qui continuent d’inonder toujours plus le monde entier, mais en passant cette fois sous les radars.
Le temps est couvert, mais la température clémente, démentant sa réputation de « ciudad caliente ».
Le Mango Tree hostal est très agréable et, comme celui de Carthagène, équipé d’une petite piscine.
Jean est dégoûté: il ne peut pas mettre la tête sous l’eau à cause de ses points de suture.
La seule semaine où nous avons deux hôtels avec piscine.
L’après-midi se passe sans qu’on s’en rende compte. Certains écrivent, d’autres travaillent. En milieu d’après-midi, je ressens une secousse assez longue alors que je suis allongé sur le lit.
«C’est le métro?»
« Mais non! Il y a pas de métro à Cali » me répond Charlotte!
« Mais… tu sens là que ça tremble?? »
« Non. T’hallucines… »
« Chelou! J’ai vraiment eu l’impression que ça tremblait! Comme si j’étais sur un waterbed! »
On croise des allemands un peu bizarres, dont l’un passe son temps allongé dans sa chambre, en caleçon, à fumer en écoutant à fond des discours américains dont nous ne parvenons pas à comprendre le propos. Un couple de français en goguette; et un canadien d’origine allemande d’une soixantaine d’années plutôt dissert, qui tient la jambe à tous les hôtes successivement. Il n’est pas méchant. Mais on sent qu’il n’aime pas être tout seul. Et qu’il aime bien parler. De lui.
En fin d’après-midi, direction le Parque del Perro, vers le Ruta Burger que nous avait conseillé une Calénienne croisée quelques jours plus tôt à Minca.
« Allez! On y va à pied, ça nous fera une balade! »
La bonne idée: pendant une demi-heure, nous longeons une sorte de périphérique intérieur sans vraiment de trottoir. On manque de se faire écraser à chaque pas. Le trafic est dense. Des policiers draguent Charlotte.
Pas le meilleur profil de la ville.
Arrivé dans le quartier, on avise un bar «Bogota Beer Company» (remember?). Le serveur -Sébastien- est adorable, mais les enfants ne peuvent pas rentrer. On achète quand même une bière que l’on va se partager dans le parc, comme des punks à chiens. Sébastien, que nous recroiserons quelques semaines plus tard complètement par hasard à l’aéroport de Leticia – nous rattrape pour nous en offrir une autre.
Nous buvons donc nos deux bières sur un banc, comme deux punks à chiens.
Malheureusement, le Ruta Burger est fermé: une canalisation a pété. Mais Oscar, le propriétaire, nous accueille chaleureusement et nous accompagne même dans le restaurant voisin pour qu’on s’occupe bien de nous.
Il parle français comme une vache colombienne pour avoir vécu et travaillé quinze ans à Paris. Il est très bavard, très gros et très gentil.
Dans la pizzeria voisine, pas de sauce piquante mais des piments concassés dans une grosse salière.
Evidemment, le bouchon est mal vissé et l’intégralité du pot tombe sur ma pizza. En Colombie visiblement, on ne change pas les plats, on les nettoie. Comme on peut. Après un passage en cuisine, je récupère ma pizza encore couverte de piments.
Je la mangerais. Jusqu’au bout.
Le retour se fait en Uber. Pas deux fois la même erreur, a fortiori la nuit.
Le lendemain, on se lève motivé à l’idée de faire connaissance avec la ville. Direction le quartier de San Antonio, situé à quelques blocs de notre hôtel. On vise le Parque Colina de San Antonio, qui, paraît-il, offre une jolie vue sur la ville et une petite église mignonne.
Les rues sont… pentues. Et un peu décevantes.
A part quelques jolies maisons, le « quartier colonial » a moins fière allure que celui de Carthagène que nous arpentions quelques jours plus tôt. Cependant, les rues sont paisibles, et les habitants charmants, comme partout en Colombie.
Nous repérons un restaurant au nom évocateur pour Charlotte et moi: «Tostaky».
On comprend vite qu’il s’agit d’un restaurant français, et sommes accueillis par Vincent, installé depuis 2008 dans le quartier.
Du bon son, des bons plats traditionnels à un prix raisonnable.
Et la botte du chef, qui nous a tous fait craquer après ces trois mois de voyage: une carte de desserts – rares dans ce pays – bien de chez nous, tous plus succulents les uns que les autres : fondant au chocolat, mystère et crème brulée. Tout maison. On s’explose le bide. Et un peu le portefeuille. Malin le Vincent. Mais tellement bon.
Comme tous les voyageurs, son parcours est aussi intéressant que son discours. On parle de tout et de rien avant de repartir vers notre hostal.
Après-midi studieuse et un peu pluvieuse. Le soir, on retente notre chance au Ruta Burger, comme nous l’avions promis la veille à Oscar.
Le chauffeur du Uber qui nous y emmène me confirme qu’il y a bien eu un tremblement de terre hier après-midi. Et un autre le matin, avant notre arrivée.
Je ne suis donc pas fou, j’ai bien vécu mon premier tremblement de terre hier dans mon lit!
Et la canalisation d’Oscar n’a peut-être pas explosé par hasard.
Ce dernier nous accueille à bras ouverts, et s’agite en cuisine pour nous servir les meilleurs burgers et la meilleure limonade que nous ayons mangés depuis longtemps.
Retour tôt à l’hostal, pour faire de nouveau notre valise, et repartir le lendemain matin plus au nord, en direction de Salento, au cœur de la vallée de la Cocora.
Contrairement à pas mal de monde croisé en Colombie, nous ne garderons pas un souvenir impérissable de Cali.
Sans doute sommes-nous passés à côté de ce qui fait sa réputation: salsa, nuits chaudes et party jusqu’au bout de la nuit. Pas hyper compatible avec trois enfants!
Old friends
Trois heures de car plus tard, nous arrivons à Armenia, où nous changeons pour un bus plus petit, qui nous dépose au bout d’une heure au pied d’une rue en pente à 45°, en nous indiquant la place centrale de Salento d’un geste de la main.
En traînant nos valises à roulettes, on se dit que ce pays est décidément très beau, mais très pentu.
La ville est petite, et les façades toutes colorées. Sur la place centrale, les Jeep Willis défilent, chargeant et déchargeant les touristes dans un ballet multicolore et pétaradant.
On se pose dans la Casa de Lili, un confortable hostal du centre-ville, impatients de retrouver nos copains Damien et Macha.
Ils débarquent une demi-heure après nous, encore en plein décalage horaire, mais trop contents de nous retrouver à l’autre bout du monde.
Après moult embrassades, nous partons déjeuner dans un restaurant vénézuélien.
Damien et Macha ne sont en Colombie que pour dix jours, et ne veulent pas perdre une miette du voyage.
Chacun se prépare donc pour l’excursion de l’après-midi.
On rejoint la place et tout le monde embarque dans une Willis, direction une finca de café située à vingt minutes de la ville. Evidemment, Damien et moi squattons les places arrières, debout sur une plateforme, accrochés aux barres de toit.
Quel kiff de sillonner la campagne colombienne avec son copain d’enfance accroché à l’arrière d’une Jeep!
One more cup of coffee for the road
On est presque déçu quand la voiture s’arrête devant le petit chemin qui mène à la finca.
La visite des plantations est intéressante mais expédiée en vingt minutes et achevée sous une pluie battante.
Heureusement, le reste du processus de transformation de la fève se passe à l’abri.
On apprend à le sécher, l’écosser, le torréfier, le broyer.
Et, bien sûr, on déguste le fruit de notre travail à la fin. Nous n’avons pas le temps de terminer notre tasse que, déjà, le guide repart avec un nouveau groupe.
Français lui aussi. Comme beaucoup de touristes ici à Salento. Et en Colombie en général.
Le soir, on dîne d’arepas dans un restaurant extérieur des plus rudimentaires. Des hordes de chevaux passent au galop dans les rues. En sortant, nous tombons sur un petit groupe de cavaliers qui se refilent une bouteille d’Aguardiente.
Leurs chevaux sont magnifiques et piétinent pendant qu’ils s’envoient la bouteille à grandes goulées.
Tous repartent dans un trot très court, que j’apprendrais plus tard être le «paso colombiano».
Le enfants couchés, nous ressortons boire quelques verres dans un bar immense mais désert. Tout le monde reste raisonnable, surtout ceux qui ont sept heures de décalage horaire dans les jambes.
Dans la vallée, ohoh, de la Cocora, lalalala
Le lendemain, tout le monde enfile ses chaussures de marche – en vrai personne n’en a – et remplit ses gourdes – ça en revanche, on a: remember ?? – en prévision d’une grande boucle dans la vallée de la Cocora.
Trente minutes de jeep beaucoup moins drôles que la veille: nous avons dû laisser notre place sur la plateforme aux filles, soit-disant parce que les enfants avaient aussi le droit de s’amuser… Jean est trop petit pour se tenir au toit et a encore six points de suture dans la tête, donc il nous accompagne dépité sous la capote en regardant ses soeurs d’un air envieux.
Sur les quinze kilomètres de randonnée, les paysages se suivent et ne se ressemblent pas. On part au milieu de collines verdoyantes, parsemées d’immenses palmiers d’altitude typiques de la région: les fameux palmiers de cire.
On traverse une forêt de pins aux airs de forêt noire, puis on arrive au sommet de la montagne, la tête dans les nuages.
Le temps d’une pause salutaire où nous croisons des français en nombre – et pas les meilleurs de l’espèce – et nous redescendons, cette fois dans un décor de jungle tropicale.
On longe une rivière, que l’on traverse sur des ponts de singe.
Ambiance Indiana Jones.
On se marre bien, mais les jambes commencent à tirer sur la fin. Nous finissons par boucler le chemin et déjeunons d’une truite, la spécialité locale. Nine et moi passons notre tour.
Retour en jeep. Damien et moi récupérons notre place sur la plateforme, que nous devons partager avec un Australien, avec qui nous finissons par discuter malgré le fait qu’il se soit incrusté dans notre jeu préféré du moment.
Arrivés sur la place centrale de Salento, Louise réalise qu’elle a oublié son sac à dos.
Où? Vaste question: quelque part entre la fin de la randonnée et le restaurant.
Le chauffeur accepte de me ramener gracieusement au départ de la randonnée.
Re- une-demi heure de jeep. Re-une-demi heure de marche.
Je finis par le retrouver dans une pêcherie que nous avions longé. Re-re-une-demi-heure de jeep. Payante cette fois.
Pool party
Le soir, après un dîner vite avalé, et des enfants vite couchés, nous prenons la direction d’une immense salle de billards, où se mêlent locaux et touristes au son de musique colombienne populaire.
Charlotte et moi sommes d’une nullité pathétique, au contraire de Damien, qui enchaîne les points et démontre qu’il a manifestement passé beaucoup trop de temps dans ce genre d’endroits au lieu de bosser ses cours!!
Nous remarquons des jeunes touristes qui entrent et sortent par une porte qui mène à l’étage inférieur.
Là, nous trouvons une foule bigarrée qui joue au jeu de la grenouille et à une sorte de palet version colombienne, le Tejo. L’ambiance fait un peu trop école de commerce pour nous.
On se sent vieux et on remonte vers notre hôtel.
Le lendemain matin, il est déjà l’heure de se quitter: Damien et Macha repartent vers Bogotá tandis que nous faisons route vers Medellin.
Avant de partir, ils sortent des cadeaux pour tout le monde: des magazines pour les enfants, des livres pour Charlotte, et des paquets de tabac pour moi (Ah! Bah bravo!).
Ces deux jours sont passés trop vite et nous aurions aimé les emmener faire un bout de chemin avec nous.
Mais on était limité en bagages: remember???
Magique de lire vos aventures !