Cinq jours dans la capitale Inca
Cusco l’empereur megalo
Il est cinq heures du matin lorsque nous débarquons dans la capitale inca.
Notre hôte airbnb nous a gentiment proposé de nous ouvrir son appartement à six heures, si bien que nous patientons, hagards, pendant une heure dans le terminal.
A notre arrivée, nous sommes un peu surpris par l’état du petit immeuble, qu’on croirait encore en travaux.
Les escaliers sont en béton brut, les murs en brique et il reste même quelques outils de chantier ça et là.
Mais, une fois passé le pas de la porte, nous trouvons une appartement assez mignon, avec deux chambres et – luxe suprême – une grande télé avec Netflix. Les enfants kiffent.
Le lundi, on ne fait rien, comme un lundimanche.
Cusco est encore à 3.400 mètres d’altitude et même les deux étages qui nous séparent du rez-de-chaussée en paraissent dix.
Le lendemain, nous décidons de rejoindre le centre à pied.
Trente minutes de marche depuis notre appartement : la foule sur les trottoirs devient plus dense au fur-et-à-mesure que l’on s’approche.
On passe par le marché San Pedro, aussi grand que celui d’Arequipa, où nous trouvons de quoi remplir le frigo pour la semaine, au milieu des étals de viande pas très ragoûtants, dont le fameux museau de vache, spécialité locale, et des monceaux de pomme de terre, produit local par excellence.
La vieille ville est très belle. On déambule le nez en l’air.
Capitale de l’empire Inca, l’architecture témoigne du mélange des cultures pré-colombiennes et hispaniques.
Comme à chaque fois, les conquistadors se sont employés à détruire les temples pour y bâtir des églises.
Sur l’immense «Plaza de las armas», des balcons au style espagnol encadrent l’immense cathédrale de pierre rouge.
Autour, les rues sont étroites et pavées. Les façades cachent des patios fleuris, où nous échouons pour une limonade bien méritée.
Freetour
Le lendemain, on rempile pour un «freetour» de la ville. Nous avons le choix entre un guide espagnol et un anglophone. On préfère la deuxième option mais le groupe avec lequel nous sommes est bien moins loquace que ceux que nous avons croisé jusqu’à présent: les gens ne se parlent pas beaucoup et suivent le guide qui déroule la visite de façon un peu mécanique.
Les enfants aussi sont à fond.
Malgré tout, nous apprenons avec intérêt que les plans de la vieille ville dessinent un puma, l’un des trois symboles incas avec le serpent et le condor.
Cette civilisation, qui n’a pourtant duré que du XVè au XVIè siècle, était parvenue à fédérer une immense population, qui couvrait les territoires du Pérou, de la Bolivie, de l’Équateur et d’une partie de la Colombie, jusqu’en Argentine et au Chili.
Cuzco était la capitale.
On y parlait quechua, un ensemble de plusieurs langues encore parlées aujourd’hui par la plupart des habitants des Andes.
Leur savoir-faire architectural, dans cette région sismique, reste l’exemple le plus visible de leur immense connaissance.
Les murs épais, légèrement inclinés, fait d’immenses blocs de pierre qui s’imbriquent sans aucune jointure, n’ont pas bougé en cinq siècles. Ils constituent la base quasi-indestructible de la plupart des bâtiments de la vieille ville. Les conquistadors y ont ajouté un ou deux étages, dans un style espagnol à l’époque largement inspiré de l’art arabe.
Nous longeons le plus fameux d’entre eux, fait de blocs aux formes complexes, là encore parfaitement taillés pour correspondre les uns par rapport aux autres.
« Il paraît que certaines pierres forment un serpent et un puma, mais il faut avoir l’œil très entraîné pour les voir. Ou avoir pris beaucoup de drogues» nous dit le guide.
Tout le monde se concentre sur le mur, mais personne ne voit que dalle.
Sauf Jean, qui s’écrie immédiatement :
« Ah! oui! je les vois tous les deux! »
Là, le serpent et le puma apparaissent comme par magie au fur-et-à-mesure qu’il pointe son doigt sur les jointures du mur.
On passe par une grande cour dans laquelle nous avons le droit à une démonstration de musique inca avec tous les instruments utilisés à l’époque, par un roi-musicien-grand-gourou Inca manifestement possédé par le grand esprit du serpent sacré.
Dans la cour, quelques lamas et alpagas tout en poils qu’on ne résiste pas à caresser.
La visite se corse ensuite quand nous devons monter vers le quartier San Blas, qui domine la ville.
Arrivé en haut, je me dis que Roux et Combaluzier ont certainement dû habiter à Cusco avant d’inventer les ascenseurs.
Tout le monde souffle bruyamment quand on arrive en haut pour admirer la vue et la troupe ne se fait pas prier pour se vautrer dans les fauteuils du Limbus café, le temps d’apprendre à faire – et surtout à déguster – le fameux Pisco Sour.
Chacun sirote dans son coin, en contemplant la ville avec le regard fatigué du sportif après l’effort.
Pause déjeuner salutaire à Tinku – un super restaurant de San Blas. Le serveur est un peu fou mais adorable et nous traite comme des rois.
Dans une ville normale, on serait «reparti tranquilou vers notre appart’».
Mais là on est à Cusco.
Du coup, on fait comme dans l’Everest: «on redescend au camp de base n°1 avant la nuit».
Museo Inka
Le lendemain, on s’avoue pas vaincu: nous repartons vers San Blas et déambulons dans les rues animées de ce quartier qu’on affectionne. On s’arrête au musée «Inka», faisant fi des critiques nuancées sur internet.
On aurait dû les écouter: le musée a dû être ouvert en 1974 et rien n’a bougé depuis. Mêmes vitrines poussiéreuses. Mêmes maquettes en papier mâché couvertes de gazon artificiel. Comme dans le métro à cette époque, on peut appuyer sur des boutons et voir sur une carte chacun des sites de fouille. Sauf qu’aucun tableau n’est branché.
Ambiance sortie de classe dans le bloc de l’est pendant la guerre froide.
Le musée a au moins le mérite de placer toutes les civilisations pré-colombiennes dans le temps et nous permet de mieux les comprendre.
Dans le patio, des artisans tissent et peignent à la main avec une patience infinie des objets d’une rare finesse. On s’arrête discuter avec l’une d’entre elles, et on ne résiste pas à lui prendre un petit cendrier – l’un des rares souvenirs que nous ramènerons.
Ça sent déjà la fin
Le lendemain, ça sent déjà la fin. Nous rendons les clés de notre appartement à notre hôte Mégaly puis nous filons vers l’aéroport.
Après une longue attente pour atteindre le guichet, l’hôtesse nous demande si nous avons imprimé les billets.
Je lui tends mon téléphone avec les « e-billets » à destination de Lima.
« Nous n’acceptons pas les e-billets, mais pas de souci monsieur, nous allons les imprimer pour vous. »
« OK »
« Alors, pour 5 tickets, ça vous fera 256 soles (=68€) »
« Je crois que j’ai mal compris: vous pouvez répéter plus lentement s’il vous plait?»
« Deux cent cinquante six soles »
« pour imprimer 5 tickets »
« Tout à fait »
« A ce tarif, vous les imprimez sur des feuilles d’or au moins?»
« Pardon? »
« Non rien. Je disais juste qu’il était hors de question que je paye l’impression de mon billet plus chère que le billet lui-même!!! »
Intervention du supérieur. Explications. Vaines tentatives de justification. Perte de temps. Et de patience. Soudain, il examine les billets sur mon téléphone et me dit que j’ai encore la possibilité de les imprimer moi-même.
Je me précipite en courant vers la sortie.
Heureusement, l’aéroport est en ville et un garde m’indique une tienda juste à la sortie qui propose une imprimante – je ne dois pas être le premier à me faire avoir.
Malheureusement, j’avais oublié que j’étais à Cusco. Au bout de deux mètres de course, je suis déjà essoufflé.
1000 galères et 10 minutes plus tard, je reviens tout rouge au guichet, avec mes cinq feuilles à la main, qui m’avaient finalement coûté moins de 1€.
Mais c’était pas de la feuille d’or.
Le reste du vol est à l’avenant: inconfortable et désagréable.
Lima Express
Lima n’est qu’une étape vers notre retour en France.
Nous prévoyons d’y rester 24h avant de nous envoler vers le Mexique. Cette fois, nous avons réservé une chambre dans le quartier de Barranco, près de Miraflorès où nous avions séjourné la première fois.
Après un trajet interminable de plus d’une heure dans les bouchons de la capitale, nous arrivons dans une rue tranquille chez Janet, qui nous accueille chaleureusement. Au deuxième étage de l’immeuble, nous trouvons une grande chambre et surtout, un grand espace commun et une terrasse rien que pour nous.
Tout y est moderne, et le quartier que nous sillonnons dans l’après-midi est aussi charmant qu’agréable. Des maisons anciennes rénovées avec goût, des boutiques et des bons restaurants.
Notre retour à la réalité se passe sous les meilleurs hospices.
Le samedi, nous attendons la fin de journée pour embarquer de nouveau, cette fois en direction de Mexico.
Nous quittons le Pérou avec un sentiment mitigé: un pays riche de son histoire et de ses mélanges, mais où nous n’avons pas retrouvé l’échange et la chaleur des habitants que nous avions tant apprécié en Colombie ou au Mexique.
Sans doute est-ce lié au fait que nous ne nous sommes déplacés qu’en bus, ce qui nous a empêché de sortir du sillon touristique.
Mais comme à chaque fois, nous repartons avec de beaux souvenirs: des rives du Titicaca aux rues de Cusco, nous avons sillonné des régions à la beauté sans nulle autre pareille.
Mucho Gusto!
Goodies
Pisco sour: bon, faut avouer, c’est un peu comme le Ouzo en Grèce, le Mezcal au Mexique ou l’Aguardiente en Colombie, c’est quand même meilleur à déguster sur place. Mais si vous voulez impressionner vos convives et obtenir un 10/10 à un « Diner presque parfait », voici la recette du Pisco sour tel qu’il est bu au Pérou.
Ingrédients:
30 cl de Pisco (marc péruvien à base de moût de raisin) à défaut du marc de bourgogne jeune.
10 cl de jus de citrons verts.
10 cl de sirop de sucre de canne.
1 blanc d’oeuf.
1 cuillère à café de sucre cristal.
4 à 6 glaçons.
Angostura (à défaut cannelle en poudre)
>> Dans un mixer, monter le blanc en neige avec le sucre cristal >> Ajouter le jus des citrons, le sirop de sucre, l’alcool, les glaçons
>> Mixer le temps de fondre les glaçons – >> Verser dans des verres individuels
>> Décorer d’une goutte d’angostura ou d’une pincée de cannelle poudre sur le « blanc » de chaque verre –
Pour alimenter la discussion pendant l’apéro, vous pouvez toujours ajouter que les meilleurs spécialistes se disputent quant à l’origine du fameux apéro. Chili ou Pérou? Pour avoir l’air expert, affirmez que c’est le Pérou (même si vous n’en savez rien): personne n’osera vous contredire.