Let’s go Trippin’!

Catégories Etats-Unis3 Commentaires

From Dallas to Big Bend

Alors, on attend pas Patrick?

Les premiers contacts avec le monde du camping-car ressemblent à une mauvaise blague.

Après m’avoir fait signer 748 papiers – « you put your initials here, here, here and here, and you sign 7 times » – et piqué l’équivalent du PIB du Congo en guise de caution, le loueur nous plante devant un mauvais film des années 80. La voix-off robotique baragouine dans un français incompréhensible des instructions qu’aucun de nous ne saisit vraiment. Le tour du véhicule n’est pas beaucoup plus rassurant: on hésite encore sur le fait que le loueur avait été lobotomisé la veille, ou s’il était naturellement apathique, mais le vide dans ses yeux nous donnait le vertige.

« Et le lit du milieu, on l’installe comment ? »
«  Ben, euh… comme ça je crois… enfin je sais pas trop. Mais, bon, vous trouverez bien ! »

Notre entrée dans le monde magique du camping-car s’annonçait bien! J’avais au moins compris que je perdrai ma maison si j’éraflai le véhicule, et où mettre le contact pour démarrer.

Pour le reste, on verrait après.

Nous serions bien restés plus longtemps dans la ville, pour découvrir le stockyard de Fort Worth et toutes les bonnes adresses qui nous avaient été données, mais, entre le plein de courses à Walmart, à la poursuite – vaine – de produits frais, et le briefing bien anxiogène de notre loueur, tout le monde avait envie de prendre la route.

Why invest? Rent the best

Sur la bouffe, nous n’en revenons toujours pas. Impossible de trouver du riz ou des pâtes qui ne soient pas « enrichis» en trucs pas très catholiques du genre mononitrate de thiamine, du lait qui ne soit pas sucré, des fruits secs qui ne contiennent pas de M&M’s (véridique), ou des yaourts qui ne soient pas allégés… Ils avaient même remplacé le sucre du Coca par du fructose de maïs… Sacrilège.

Bref. Biolotte était au fond trou.

La sortie de Dallas est épique. Je suis cramponné au volant de mon énorme engin, slalomant entre les pick-ups gigantesques et les… pick-ups gigantesques (il n’y a que ça au Texas),  tout en essayant de trouver laquelle des 8 voies est la bonne pour la sortie. Le camping-car fait un boucan du diable, et la ville n’en finit plus de s’étaler.

Au bout d’1 heure, enfin, le rythme se calme, les buildings s’espacent et l’immensité se dessine peu à peu.

Dinosaur Valley

Nous arrivons en toute fin de journée à Dinosaur Valley, après deux heures trente d’une route plus belle à chaque mile que nous parcourons.

Une ranger tout droit sortie de Tic&Tac nous indique où nous garer. Moi qui trouvais le camping-car énorme, je reviens à la réalité : la plupart des résidents ont une caravane dans laquelle on pourrait mettre 2 ou 3 véhicules comme le nôtre, quand ils n’ont pas un camping-car de la taille d’un bus, qui s’élargit de chaque côté. Comme cela ne leur suffit vraisemblablement pas, ils tirent une jeep à l’arrière, ou une remorque avec 2 ou 3 Harleys. Tous sont sur-équipés, et, apparemment, t’es pas un vrai Texan-caping-cariste si tu fais pas cuire 50 kilos de viande sur ton barbecue…

On hallucine !

A peine arrivés, une voisine toque à notre porte avec un air sérieux : elle cherche un juge pour son concours de sculptures de potirons.

Nous sommes samedi soir, Halloween est dans quelques jours, et, manifestement, on ne plaisante pas avec cette tradition au Texas.

Devant les mines inquiètes qui attendent notre verdict, j’hésite à les déclarer tous vainqueurs, de peur de déclencher une seconde guerre civile…

Nous attribuons finalement les deux premières places à une enfant de 8 ans et… une adulte de 35 ans, pas peu fière de mettre la pâtée à tous les autres enfants du camping !!

Plaisanterie mise à part, ils sont, comme tous les gens que nous avons croisés au Texas jusqu’à présent, très chaleureux, accueillants et sympathiques. Pour peu qu’on évite certains sujets comme la politique, l’immigration, les Mexicains, la bouffe, l’écologie, la mode, le bon goût, le terrorisme, les armes, la culture, la religion… bref, quand on parle de rien avec eux, ils sont vraiment sympas !!

Première nuit dans un camping-car (de notre vie !): check.

Charlotte croise la route d’un tatou avant d’aller se coucher: pas de doute, nous sommes bel et bien au Texas.

Le lendemain matin, nous suivons le chemin qui borde la rivière du parc, qui abrite des centaines d’empreintes de dinosaures… Enfin, si l’on en croit la brochure, parce que nous on n’a rien vu: le niveau de la rivière était trop haut !

Denver, le dernier dinosaure, c’est mon ami et bien plus encore!

Qu’importe! Il fait beau, la vue est superbe, et la balade pleine de rires et de découvertes.

Nous repartons en fin de matinée pour notre première grosse étape: 8 heures de voiture en direction du sud, vers Langtry, aux confins de la rivière Pecos.

La route est belle. Les paysages sont à couper le souffle: des plaines luxuriantes, des ranchs encore plus gros que dans « Dallas », une route toute droite, des biches par dizaines, et même des bisons. L’Amérique sauvage comme on en rêvait.

Au volant, je suis extatique. Une fois habitué au gabarit, la conduite du camping-car se fait sans problème.
Cruise control « on ».
Musique à fond.
Enfin, ma playlist « Grands espaces » prenait tout son sens: Eddie Vedder, Joe Purdy, Bon Iver, Canned Heat, Johnny Cash, Bo Diddley, tous les standards de Chess Records et du label Stax.

Je m’y crois à mort!

A l’arrière, les filles travaillent, Jean fait des bêtises. La routine s’installe doucement.

Nous longeons le lac Amistad, et, entre 2 contrôles de la border police, nous assistons à un coucher de soleil sur la plaine digne des meilleurs westerns.

I’m a poor lonesome cowboy…

Langtry

« Etranger, tu es à l’ouest de la rivière Pecos; ici il n’y a plus de loi, si tu es fin tireur, tu survivras. »

Nous nous réveillons dans la brume matinale, garés juste en face du saloon Jersey Lilly, d’où le fameux juge Roy Bean rendait une justice toute personnelle en compagnie de son ours, et qui a inspiré Morris & Goscinny pour « Le Juge », un volume de Lucky Luke.

Nous échangeons avec 2 bikers, arrivés de Houston sur leurs énormes Harley. Plus bon pères de famille que rebelles, et replets que tatoués, on sent que ceux-là ne sortent plus leur moto que le week-end, entre deux conseils d’administration!

Le lieu-dit tire son nom d’une actrice anglaise – Lilly Langtry donc – dont le juge était tombé éperdument amoureux. Manque de chance pour lui, elle a fini par répondre à ses invitations, mais 1 mois après sa mort.

Avant sa venue, elle avait proposé de faire don d’une fontaine à eau pour le village. Le juge lui avait répondu que ce n’était pas utile: à Langtry on buvait de tout, sauf de l’eau !

L’endroit semble figé dans le temps: le saloon est resté en l’état, avec ses bouteilles de tord-boyau et ses pancartes interdisant de cracher par terre. Nous en profitons pour jouer nous aussi aux Dalton.

Rien de nouveau à l’ouest de Pecos
Un cavalier, qui surgit hors de la nuit

Après un tour dans le jardin de cactus attenant au saloon, nous quittons Langtry en fin de matinée, direction Marfa.

On s’arrête pique-niquer au milieu de nulle part, en bordure d’une voie ferrée que nous croyons déserte depuis le temps de la ruée vers l’or. Quelques minutes après, nous apercevons pourtant une locomotive et son cortège infini de wagons qui s’approche, et nous prévient à grands coups de klaxons. Ces même rails de la Union Pacific Railroad, que nous longerons régulièrement lors de notre traversée, avec, à chaque fois, sa colonie de wagons parfois longue de plus d’un kilomètre. Cela évoque les westerns et Lucky Luke à Jean. A moi, tous les hobos qui ont traversé le pays en sautant dans le train en marche. On en profite pour faire un petit duel au soleil – « il y a un cowboy de trop dans cette ville, Johnny ». Jean dégaine plus vite que son ombre et me terrasse avant que je ne puisse bouger…

Après 4 heures d’une route droite mais magnifique, au milieu des plaines infinies, nous arrêtons notre camping-car au Tumble-in, un « RV Park » à l’entrée de la ville. Oui, parce qu’ici on ne dit pas « camping-car », mais « R.V. » – prononcez Arvi – pour « Recreational Vehicle » : un excellent exercice de prononciation pour Jean !

Marfa

Cette petite ville doit sa notoriété à un phénomène encore inexpliqué : les « Marfa Lights ». Dès la nuit tombée, des lumières apparaissent au loin, certaines se déplacent.

Mon côté rationnel exaspère les filles : là où je vois des phares de voitures et de fermes isolées, elles préfèrent voir de mystérieuses émissions gazeuses se reflétant dans le lointain… Nous repartons sans réponse définitive, mais avec de jolies photos.

sunset marfa

De mon côté, je connaissais Marfa comme une oasis très arty au milieu du désert culturel texan: investie par plusieurs artistes contemporains de premier plan depuis une trentaine d’années, elle est peu à peu devenue l’épicentre de la scène hipster du sud du pays. Nous le sentons en arpentant ses quelques rues le lendemain : tout y est photogénique, et les galeries d’art côtoient les épiceries bio et la fondation Chinati.

James Dean y a également fait un passage lors du tournage de son dernier film – « Giant » – et a séjourné au Paisano, l’unique hôtel de la ville, à l’architecture typiquement texane, mélange de style mexicain et cowboy, dont l’enseigne au néon illumine encore la ville à la nuit tombée.

Nous reprenons la route en direction du parc de Big Bend, à l’extrême sud du Texas. Sur la route, nous faisons étape à Terlingua, surnommée Ghost town, dont nous avions beaucoup entendu parler.

Ghost Town

Le village a été construit autour d’une mine de mercure qui a fermé ses portes dans les années 40. Elle a été peu à peu réinvestie par des hippies, ce qui donne un curieux mélange que nous voulions absolument voir.


Nous nous garons en face du Starlight, l’unique bar du coin, et nous commençons vite à déchanter.

Sous le porche, la plupart des locaux sont complètement bourrés à 4 heures de l’après-midi.

Les chiens errants pissent contre les bancs. Becky, une vieille hippie locale, fait un peu peur aux enfants avec son sourire édenté et ses longs cheveux filasses, et ses copains, quoique sympathiques, ne sont pas beaucoup plus rassurants! Nous faisons quand même un tour à l’antique cimetière, et nous mettons en quête d’un endroit pour dormir.

L’un des mecs bourrés du Starlight nous promet que si nous dînons au restaurant La Kiva un peu à l’écart de la ville, nous pourrons nous garer sur le parking pour la nuit.
Bon plan!

Nous nous y rendons donc, en profitant d’un apéro-coucher-du-soleil sur le toit du camping-car: le paysage est incroyable. On se rend vite compte que le mec bourré travaille en fait au restaurant. Le dîner est cher, mauvais, et le patron nous dit qu’il est impossible de dormir sur son parking .
Mauvais plan!!

Nous repartons vers le Starlight, où la réponse est la même.
Pendant que Charlotte et les enfants regardent un film de mutants qui se passe au Texas dans le camping-car – « Logan » –  j’échange avec Becky et Wayne, son mari. Arrivée à Terlingua en 1970, elle me raconte comment la ville a évolué, entre 2 gorgées de bière. Charmée par les enfants et le joli cortège que nous formons, elle me propose gentiment de garer mon camping-car chez elle… Je décline poliment: les enfants sont déjà terrorisés par le film qu’ils regardent, et n’ont pas très envie de re-jouer « Blanche Neige »…


Résolus à ne pas payer une place pour la nuit, et un peu rebutés par les mauvaises ondes du coin, nous nous décidons à rouler un peu vers Big Bend pour trouver un coin tranquille et isolé pour la nuit.

Au bout de quelques kilomètres, sur une route absolument déserte, nous nous garons finalement dans un coin isolé. La voûte céleste est impressionnante. Nous sommes au milieu de nulle part… Enfin presque: en reprenant le volant le lendemain matin, alors que tout le monde dort encore, je réalise que nous nous sommes garés à exactement 50 mètres de l’entrée du parc !

Tout le monde est vite réveillé par le bringuebalement du camping-car, et nous prenons le petit-déjeuner au milieu d’une nature extraordinaire, face aux montagnes Chisos.


Un coyote traverse la rue juste devant nous. Le parc est, comme tout dans ce pays, immense et préservé. Les visiteurs sont peu nombreux et nous avons souvent l’impression de l’avoir pour nous seuls.

Nous reprenons la route qui serpente au milieu des montagnes, les yeux grands ouverts, à la recherche d’ours ou toute autre bête sauvage qui feraient de nous de vrais aventuriers.


A l’entrée du chemin de la mine perdue – « Lost mine trail » – les panneaux nous invitent à la méfiance: pas de nourriture odorante, et quelques règles à suivre en cas de rencontre avec un ours. Jean aurait pourtant bien étalé un peu de miel pour en attirer un…
Au bout d’une demi-heure, le ciel se fait de plus en plus menaçant, et la pluie commence à tomber. Charlotte et Jean préfèrent rebrousser chemin. Le reste de la troupe continue, bien résolue à tomber nez-à-nez avec un ours.

Las, nous ne croiserons que quelques trekkeurs et un vers de farine…

… même pas suffisant pour une qualif’ à Koh Lanta!

 

Charlotte nous a préparé de véritables tacos à la viande hâchée, tout le monde se régale!
Nous repartons après le déjeuner vers Alpine, sous un ciel changeant, au milieu d’un décor digne d’« Into the wild », avec Eddie Vedder à fond dans le camping-car.

How does it feel to be on your own, with no direction home, a complete unknown, just like a rolling stone?

Pendant tous ces trajets, les filles travaillent sur leur ordinateur, et nous aidons Jean à avancer sur les manuels de maths et d’histoire laissés par sa maîtresse. Entre les miles, les feet, les inches, les Oz, les pourboires, les dollars, tout le monde travaille ses conversions et son calcul mental à fond!

End of part one!


Goodies

Roadtrippers:  une super appli gratuite qui permet de faire sa route. Nous l’avons utilisée pour évaluer les distances, tracer notre itinéraire, et même estimer nos dépenses de carburant.

RV Parky:  là encore, une appli gratuite indispensable pour tout camping-cariste qui se respecte. On peut voir tous les campings alentours, et filtrer en fonction des commodités: pour nous, c’est principalement « RV Park with wifi » qu’on choisissait, même si le plus souvent le débit laissait à désirer, quand il ne marchait tout simplement pas du tout. Des commentaires d’utilisateurs permettent de se faire une idée de ce qu’on trouvera. Cette appli permet également d’identifier les campings gratuits. Nous avons aussi utilisé  Campendium gratuite elle aussi, bien que moins complète. 

Pass parcs:  à l’entrée du premier parc que nous avons visité, nous avons acheté un pass qui vaut pour tous les parcs du pays. Il y en a plus de 1000, et le pass coûte 80$: pas la peine de tous les visiter pour que ce soit amorti donc! Pour vous le procurer, il suffit de le demander au Ranger-tic-et-tac qui vous accueille à l’entrée de chaque parc.

Téléphone et data: avant de partir, j’avais commandé une carte sim chez Sim-USA, qui permet d’avoir un numéro US, les appels illimités vers l’international, et 6Go de data. Malgré cela, mon téléphone n’a jamais autant été en « mode avion » que dans le camping-car! 6Go à 5 pendant 1 mois c’est largement pas suffisant pour les geeks gens normaux que nous sommes, et qui passent leur vie de temps en temps sur les réseaux sociaux!!

Films à voir : On avait profité de notre nuit imprévue à Dallas pour télécharger des films, avec comme mots clés « Texas ». Bien sûr, il y a  les classiques: « Bonnie and Clyde » avec Faye Dunaway et Warren Beattie, ou « Paris-Texas » de Wim Wenders. Nous, on vous conseille le très original « Boyhood »: Richard Linklater a filmé pendant 12 ans le même garçon, pour le voir grandir « en vrai ». On a adoré (re)voir « Un monde parfait » de Clint Eastwood avec Kevin Costner: superbe chasse à l’homme dans le Texas des années 50. « Logan », qu’on a déjà cité plus haut, pour les fans des X-Men (dont ni Charlotte ni moi ne faisons partie!). Et puis notre coup de coeur: « O’Brothers » des frères Cohen, qui en fait ne se passe pas au Texas, mais dans le Mississipi! Tout le monde a adoré, on a téléchargé la bande-son, qu’on a écouté en boucle ensuite. Entendre Jean chanter « I’m a man of constant sorrow » en yaourt vaut vraiment le détour!

Livres à lire : S’il n’en fallait qu’un: « Le Juge » de Lucky Luke, que les plus paresseux pourront regarder en dessin animé!