BACK TO THE COUNTRY

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Une semaine dans la pampa

Puente Tierra

Après quatre jours à Medellín, nous repartons du « Terminal del norte ».

Cap à l’est, en direction de Guatapé, où nous avons rendez-vous avec Alejandra et Christian pour une semaine de volontariat dans leur ferme.

Le colectivo nous dépose devant un chemin qui, une fois n’est pas coutume, grimpe à pic et s’enfonce dans les collines verdoyantes.
On sent le truc venir quand on voit le panneau à l’entrée du chemin: c’est jamais bon signe quand ils conseillent de prendre de l’eau dans ce pays!

Para vivir, necesitas agua y oxygena

Par miracle, un taxi-pick-up s’arrête à notre hauteur et propose de nous avancer un peu. On charge les valises sur le toit, et tout le monde se serre à l’arrière sous la bâche, entre les familles et le matériel agricole.

Evidemment, je monte à l’arrière, même si le trajet est moins drôle sans mon copain Damien.

La piste est tellement pentue que même la jeep peine à monter.

Il nous dépose devant une statue de Saint Juda – on ne le connaissait pas ce saint là – où nous devons prendre à gauche, selon les explications d’Alejandra.
On se sent un peu cons et citadins avec nos valises à roulettes, pas très adaptées à cette piste défoncée et pentue.

Granja Vidar

Nous finissons par arriver à bout de souffle devant le panneau « Grandja Vidar », annonciateur de la fin de notre calvaire.

Nous sommes accueillis par Margot – une française arrivée à la ferme trois mois auparavant avec son copain Gaël – et une tripotée de chiens.

Les autres volontaires sont tous français: il y a Laetitia, baroudeuse bretonne en mouvement permanent depuis plusieurs années, et Alicia, une kitesurfeuse de la Rochelle, qui voyage pour une durée indéterminée en Amérique.

Le ferme n’est pas très grande et accueille des poules, trois chèvres, un bouc au tempérament et à l’odeur de bouc, des hamsters malades, des lapins, deux chats aussi câlins que puceux, deux énormes chiens – Flaco et Blas – un autre moyen – Kenya, sorte de croisement entre un labrador et une barrique, tant il est gros – et deux petits king charles aussi moches qu’adorables – Kimi et Mago.

A la tête de ce bestiaire, Alejandra – Aleja ou Alé pour les intimes – à la voix douce et aux convictions bien ancrées dans la terre et Chris, son mari.

Dès le premier repas, nous sommes mis dans l’ambiance: tout le monde se donne la main et commence à faire la prière. Pas franchement celle que j’ai apprise au cathé :

«Gracias a la tierra. Gracias al sol. Gracias a todos los elementos. Gracias a la Pacha Mama».

Ambiance ZAD.
L’impression d’avoir atterri directement dans le film « Problemos ».

Les dortoirs ressemblent un peu à une prison, mais en moins confortable: des lits superposés en fer, un matelas aussi fin que du papier à cigarette et des couvertures de déménagement.
Les murs en brique sont un peu disjoints, la seule fenêtre n’a pas tous ses carreaux et le toit en tôle fuit par endroits.

Qu’importe, les enfants sont ravis par l’endroit et sont tous trois impatients de mettre la main à la pâte.

Près de la cuisine, un tableau répartit les tâches quotidiennes.

Charlotte s’inscrit pour la préparation des repas, trop contente de pouvoir enfin retrouver des produits locaux et un semblant de cuisine.

Evidemment, les toilettes sont sèches et l’agriculture sans aucun produit chimique.

La cabane au fond du jardin

Dans la cuisine, quatre poubelles de compost différentes, et nous sommes priés de garder tout le plastique que nous amenons dans un sac avec lequel il faudra repartir.

A flanc de colline, quelques rangées de légumes: certains que nous connaissons déjà, et d’autres typiquement colombiens que nous goûterons dans les prochains jours.

En contrebas, un abri avec quelques hamacs où il est indiqué « Wifi ». Il ne fonctionne que l’après-midi. Quand il fonctionne.

Une plateforme en bois perché à trois mètres de haut offre une jolie vue sur les collines environnantes.

Les jours se suivent et se ressemblent.

Le matin on s’occupe des bêtes et des potagers. Chacun a sa tâche: les grands coupent du « pasto » pour le bouc, les petits peignent des pancartes en bois réparties sur toutes la propriété. D’autres amènent paître les chèvres dans le champ d’à côté, à moins que ce ne soit l’inverse. D’autres enfin travaillent la terre.

Une ambiance de kibboutz auto-géré règne dans la ferme: chacun prend son rôle très à cœur, en particulier les enfants, trop fiers de la confiance et de l’importance de leur tâche.

Leur gentillesse, leur sens du service et leur enthousiasme ne tardent pas à convaincre tous les volontaires, eux qui nous avaient fait comprendre dès le départ qu’ils ne voulaient pas d’enfant, pour ne pas « leur faire subir le système ».

Problemos je vous dis.

Charlotte et moi constatons avec autant de plaisir que de fierté le changement que ce voyage a opéré sur chacun d’eux.

Un apprentissage de la simplicité, une curiosité pour les autres, une vision moins égoïste du monde. Ils se plaisent ici et font peu de cas du manque de confort.

Alicia non plus ne ménage pas ses efforts. Si bien qu’un matin elle s’enfonce la machette dans le tibia. Chris l’embarque sur sa moto direction l’hôpital, d’où elle revient avec cinq points de suture. En habitués, nous lui donnons les compresses et les anti-douleurs achetés pour Jean, persuadés que ça ne nous servira plus…

Après le déjeuner, c’est quartier libre: Louise et Jean sillonnent les environs du coin Wifi à la recherche d’œufs pondus par des poules sauvages, ou dessinent des BD, leur nouvelle passion. Nous discutons de tout et de rien avec les autres volontaires et Nine fait des fiches pour son brevet à venir.

Pour être honnête, on s’emmerde un peu parfois et l’on n’est pas mécontents d’aider aux travaux de la ferme, car il n’y a pas grand chose d’autre à faire.

Guatapé

Le vendredi, nous décidons d’aller visiter Guatapé, connu pour être le lieu de villégiature préféré des habitants de Medellin.

Un immense pain de sucre trône au milieu d’un lac artificiel, sillonné par des sortes de bateaux mouches. Les sept cent quarante marches de l’escalier de fer accroché au rocher ne nous font pas très envie, pas plus que l’immense lac, dans lequel on ne peut pas se baigner.
Le village est coloré, mais sans grand intérêt.

Un petit tour et puis s’en va.

A notre retour, un autre Christian boit des bières avec notre hôte. Musicien originaire de Medellin, il vient passer le week-end à Guatapé pour se faire un peu d’argent, et fait étape à la ferme.

Son eau de vie locale et sa bonne humeur ne tardent pas à faire effet, et la soirée se termine en bœuf, alternant« protest songs » colombiennes et standards internationaux.

Pilsen

Le samedi soir, on remet ça. On descend faire le plein de munitions à l’épicerie située au croisement de la piste et de la route. Pas grand chose à vendre à part quelques produits de première nécessité des cigarettes et des bières. Ici, ce sont des Pilsen, servies dans des bouteilles d’un litre.

Evidemment, nous n’avons pas de décapsuleur.
Evidemment, je me penche un peu trop pour en ouvrir une avec un briquet.
Evidemment, la capsule gicle violemment et vient se loger dans mon menton, me laissant une empreinte parfaite de capsule sur le visage.

Fou rire général et nouveau surnom: tout le monde m’appelle désormais Pilsen…

Pas crédible pour un entretien d’embauche

Nous décidons de repartir vers Medellin le dimanche au lieu du lundi, pour pouvoir préparer un peu la dernière étape de notre séjour en Colombie et pas des moindres : la découverte de l’Amazonie.

Nous repartons avec Alicia qui doit quant à elle retrouver sa soeur dans le sud du pays. Tout le monde se dit au-revoir après une séance photo, puis Chris et Gaël nous aident à descendre nos bagages en moto. Après cette semaine dans la pampa, nous sommes prêts à partir dans la jungle!

Allez hop! On y va! En route pour l’aventure…


Coplas de mi país : écouter Piero, c’est plonger dans la contestation paysanne colombienne des années 60. Sorte de Jean Ferrat national en moins relou, ses chansons continuent de résonner dans les soirées militantes.
La musique est omniprésente dans la vie des colombiens: de la cumbia au reggaeton en passant par la salsa ou la pop, le pays regorge de pépites que nous avons découverte au fil de nos pérégrinations. Je ne suis pas encore assez au point pour vous faire une playlist, mais j’y travaille!

Workaway : c’est grâce à ce site que nous avons trouvé la Granja d’Alejandra et Christian. Des milliers de projets différents sont proposés, partout dans le monde. Un excellent moyen de s’immerger dans la culture locale, d’apprendre, et de rencontrer d’autres volontaires. Peut-être même que vous ne tomberez pas que sur des français! Gratuit ou presque selon les projets, un excellent moyen de voyager sans se ruiner.

Demain: s’il ne fallait en regarder qu’un, nous recommanderions ce documentaire plein d’espoir et de solutions sur les initiatives locales qui tentent de répondre au désordre global. Par leurs convictions, leur ouverture aux volontaires du monde entier et surtout leur action au quotidien, Chris et Aleja participent eux aussi à remettre un peu de sens dans cette économie mondialisée. Comme les colibris, ils « font leur part ».
Sinon vous pouvez toujours regarder « Problemos »: ça n’apprend rien, ça ne sert à rien, mais nous ça nous a bien fait marrer. Et j’avoue avoir eu quelques fois l’impression d’être Eric Judor cette semaine…