UNE SEMAINE A OAXACA

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United colors

Bus de nuit

La dernière fois que j’avais fait 10 heures de bus de nuit, c’était pour aller en colo à la neige. Souvenirs de bruit, d’odeurs de banane et de chansons pour encourager le chauffeur.

Rien de tout ça cette fois-ci: le car est confortable et presque tout le monde dort d’une traite de Puerto Escondido jusqu’à l’arrivée à Oaxaca – prononcez « Woa-ra-ca » ou faites un gargarisme: ça marche pareil – vers 8 heures ce dimanche matin.

Evidemment, Jean oublie ses lunettes de soleil dans le bus, qui est déjà reparti au dépôt. Ce n’est que la deuxième paire qu’il égare depuis le début du voyage! Grâce à la gentillesse d’un agent de la compagnie, nous les récupérons en moins d’une demi-heure, et choisissons d’aller à pied jusqu’à notre hôtel, situé à 20 minutes du terminal.

Le soleil est déjà haut, et nous découvrons – un peu hagards – les façades colorées de la ville.

Les rues commencent à s’animer. Les vendeurs de rue gagnent leur emplacement, les cireurs de chaussures installent leurs fauteuils.

Le temps de déposer nos valises dans notre appart’ hôtel Suites del Centro et nous partons à la découverte de la ville.

Nous ne mettons pas longtemps à croiser une première procession avec orchestre, danseuses en costumes, et géants de papier mâché.

On ne sait pas vraiment à quoi elle correspond, mais on suit l’attroupement intrigués.

Pétards

Tout dans cette ville semble prétexte à la fête et aux cérémonies. Pas un soir sans que nous n’assistions à des concerts. Pas une rue sans musique. Pas une nuit sans pétards et  feu d’artifice.

Au début, on avait été un peu surpris.

Quand, tout juste arrivés à Puerto de Chihuhua, nous avions entendu les détonations, nous avons cru que la guerre des gangs nous avait suivis jusqu’au bord de la mer.

Simon nous avait rassuré, nous expliquant que faire péter des pétards à tout bout de champ était une tradition dans la région.

Et, s’il y en a qui respectent la tradition à la lettre, ce sont bien les Oaxaquenos!!

A partir de 17 heures, quand la lumière commence à tomber, nous assistons à un festival de tonnerres. Ils sifflent en s’élevant dans les airs puis explosent dans un grand BOUM, laissant derrière eux un nuage de fumée.

Certains jours, ils sont si nombreux et bruyants qu’on sent les murs trembler.

Quand la nuit tombe, ce sont les feux d’artifice qui prennent le relais.
De toutes les couleurs et de toutes les tailles, comme la célébration en fanfare de chaque jour qui s’achève.

Revolution Earth, on gliding fireworks

Nous arpentons les rues pavées du centre historique, et jetons un œil discret à l’intérieur de l’église Santo Domingo, sans vouloir déranger l’office en cours.

Mais, après Nine la semaine dernière, c’est à mon tour d’être enrhumé d’éternuer toutes les quatre secondes, et de me moucher 22h sur 24.

La nuit en car et le nez qui coulent ont raison de notre envie de découvrir le reste de la ville, et nous rentrons à l’hôtel en début de soirée, après une bonne pizza. Jean en profite pour changer de thème: après King Kong, il passe aux squelettes.

La ville de Oaxaca, comme l’ancienne cité Zapotèque voisine de Monte Albán sont toutes deux classées au Patrimoine Mondial de l’UNESCO grâce à leur richesse architecturales emblématiques à la fois des cultures pré et post-colombiennes.

Les rues pavées, les maisons colorées, les murs épais pour se prémunir des tremblements de terre nombreux dans la région, les églises et couvents du 16è siècle: chaque bâtiment nous rappelle la richesse historique et culturelle de la région.

Music when the lights go out

Boulenc

En plus de son architecture, la ville est réputée pour son Mezcal, le mole – une sauce à base de chocolat et de piment – son chocolat, et ses petits-déjeuners.
Ce lundi matin, nous testons la boulangerie française Boulenc, située dans une vieille bâtisse à deux pas de Sant Domingo.

Vrais pains au chocolat, pancakes – hotcakes comme on dit ici – à tomber, chocolats au lait meilleurs que ceux de mon enfance…

Chacun savoure ce bout de France, refuge bobo pour famille en over-dose de burritos.

On s’engouffre ensuite dans le Marché Benito Juarez, où l’on achète galettes de maïs et légumes frais pour notre dîner.

Do the funky chicken

Le lendemain, nous attendons la fin d’après-midi pour la visite du jardin botanique en Français. En attendant, on petit-déjeune au Boogie Café, on entre dans les nombreuses galeries d’art, dans les bibliothèques – déformation professionnelle – et l’on croise de nouveau des grappes de femmes en costume traditionnel, pour ce qui doit être la « fête du mardi ».

Jardin ethno-botanique

Les visites du jardin se font forcément avec un guide, pour protéger le parc autant que les visiteurs car certaines plantes sont toxiques. Celles en français sont uniquement le mardi à 17h.

Le nôtre parle parfaitement notre langue et nous raconte comment cet ancien couvent reconverti en caserne militaire pendant plus d’un siècle a été transformé en jardin ethno-botanique à la fin des années 90 sous l’impulsion du peintre Francisco Toledo.

J’avais déjà vu des images de ce lieu – notamment dans une installation vidéo de l’artiste Romain Tardy – mais je ne me l’imaginais pas si beau.

The Ark

7300 plantes de plus de 900 espèces réparties sur 2,3 hectares pensés et agencés comme un jardin d’Eden local, avec des cactus vieux de 500 ans, des dizaines d’agaves et de nopals différentes, des plantes contemporaines des dinosaures…

Les premiers maïs ont été plantés il y a plus de 7000 ans dans cette région, avant d’essaimer dans le monde entier et devenir la base de l’alimentation incontournable que l’on connaît aujourd’hui.

La cochenille, parasite du nopal utilisé pour teinter les textiles en rouge carmin, a aussi été découverte ici par les conquistadors.

Un système ingénieux de récupération d’eau permet de maintenir un taux d’humidité optimal tout au long de l’année.

La lumière tombe vite et notre guide nous hâte pour que nous puissions faire le tour.

La nuit est déjà là quand nous ressortons, tous émerveillés par l’endroit.

Le soir, on traîne sur le Zocalo, la grande place centrale.

Les cireurs de chaussures sont remplacés par les vendeurs ambulants, qui proposent hot dogs, chips , tacos ou elotes – un épi de maïs couvert de mayonnaise et roulé dans du fromage râpé: on a passé notre tour sur ce coup là. Des musiciens dans chaque coin, et une grande scène avec, chaque soir, un concert différent.
Le mercredi, c’est jour de danse : devant la scène, des couples –plutôt âgés – refont la «Chance aux chansons» à la sauce mexicaine.

Nous visitons l’autre partie du couvent Santo Domingo, qui abrite le musée, et nous permet d’en apprendre un peu plus sur les Zapotèques et les Mixtèques, en prévision de notre escapade du lendemain.

On dîne d’une Tlayuda dans le marché 20 de noviembre, où l’on tombe sur une autre fête de rue: sûrement la « fête du mercredi »!

Ce soir on est les rois de la terre, la fiesta, la fiesta.

Monte Albán

Jeudi, on s’aventure hors de la ville : un petit bus nous emmène sur l’une des collines environnante et nous partons à la découverte d’une des plus importantes cités pré-colombienne: Monte Albán.

Le site a compté jusqu’à 40.000 habitants à son apogée au VIIè siècle. Elle a été bâtie au sommet d’une montagne qui a été aplanie pour faciliter la construction des temples.

Logique Zapotèque…

L’endroit est majestueux, immense.. et sans aucune explication.
A part quelques panneaux qui avouent que, globalement, ils ne savent pas grand chose, nous n’avons que peu d’éléments pour satisfaire notre curiosité.

De grandes pierres gravées – les Danzantes – représentent des hommes énucléés et certains eviscérés. Sûrement la représentation de sacrifices humains. A moins que ce ne soient des handicapés. Ou des Olmèques. Enfin, ce qui est sûr, c’est que ce sont des sculptures pré-colombiennes!
Les archéologues du site ont dû suivre la même formation que notre guide de Divisadero.

Stairway to heaven

Malgré cela, le lieu permet de prendre la mesure de l’importance et de la modernité de ces civilisations, qui avaient des siècles d’avance sur leur envahisseurs européens, mais qui se sont faits éradiquér en moins de cent ans par les conquistadors et leur cortège de maladies.

Nous aurons l’occasion de compléter notre culture sur les civilisations meso-américaines à Mexico quelques jours plus tard.

Zapotèque? Olmèque? Mixtèque? Popeck?

Topes

Le lendemain, nous louons une petite voiture pour rouler jusqu’à Hierve el Agua, non sans être repassés chez Boulenc, histoire de vérifier si leurs pains aux chocolats étaient toujours aussi bon.

Une heure d’attente chez le loueur: cela semble être une habitude mexicaine.

Une fois sortis des embouteillages de la ville, nous roulons pendant une heure sur une route infestée de topes.

Kriss Kross will make you jump, jump!

Kezako los topes? Une spécialité nationale que nous avons découverte à nos corps défendant en descendant Baja California: des dos d’âne très courts et très hauts aussi dangereux que nombreux.
Certains sont manifestement fabriqués par les riverains pour sécuriser les abords de leur maison. Quand on les voit – ou les rares fois où ils sont annoncés – pas d’alternative: il faut piler et le passer avec la plus grande précaution. Les taxis un peu chargés les prennent en diagonale pour éviter d’y laisser leur pot d’échappement.
J’en rate un ou deux en chemin et nous faisons tous un grand bond dans la voiture.

Le site d’Hierve el Agua est assez spectaculaire: deux grandes cascades non pas d’eau, mais de calcaire. A leur sommet, des sources naturelles saturées en carbonate de calcium qui ruissellent à travers de petits canaux et s’écoulent en terrasse jusqu’à des bassins qui forment des piscines naturelles à débordement.

Nous avions lu que les sources étaient «chaudes» mais on a dû mal traduire car elle me semblent plus froide que la Manche en novembre.
Cela ne décourage pas les enfants ni Charlotte de piquer un tête, pendant que j’observe les touristes se rapprocher toujours plus de l’à-pic de la cascade pour avoir le meilleur selfie. Nous ne sommes plus aux Etats-Unis : ici, aucune barrière qui pourrait empêcher l’accident bête.

Pas de drame aujourd’hui cependant.

Nous remontons vers la voiture en faisant une halte «eau de coco» en chemin.

Nous repartons en fin de journée, accompagnés par un coucher de soleil magnifique sur les montagnes alentour.

Miguel

Le samedi, on retourne bruncher chez Boulenc.
Quoi? Nous? Viennoiserinomane? Ménon! C’était notre dernière chance d’y aller avant notre départ de Oaxaca, on allait pas la rater quand même!


Nous profitons de l’après-midi pour une escapade en tête-à-tête. On écume les galeries de la ville, réputée pour son bouillonnement culturel underground.

Visiter Oaxaca quand tu ne bois pas, c’est un peu comme aller en Bretagne quand tu n’aimes pas les crêpes: t’as quand même l’impression de rater quelque chose.

Les boutiques du centre débordent de bouteilles de Mezcal, à toutes les sauces – littéralement – et dans tous les formats. Des vendeuses nous halpaguent dès le matin pour goûter leur breuvage.
On se lance donc dans une dégustation. Charlotte trouve des arômes de tourbe quand je ne sens qu’un goût désagréable, entre l’éther et l’alcool à brûler. Dommage parce que certaines bouteilles ont un joli packaging!

Le premier soir, nous avions repéré un vendeur ambulant de crêpes locales – les marquesitas – sur le Zocalo. Sa technique nous intriguait, et nous étions restés l’observer quelques minutes. Hélas, il les ratait les unes après les autres, subissant le regard de ses clients impatients. Nine l’avait surnommé Miguel et, chaque soir, nous passions devant son petit stand pour voir s’il améliorait sa technique.

Le samedi soir, nous jugeons qu’il a acquis suffisamment d’expérience pour nous lancer.

La queue devant son stand nous fait un peu peur et nous préférons finalement tester un concurrent, mais Nine tient à goûter les crêpes de Miguel. Il rate de nouveau sa crêpe mais lui tend quand même d’un air satisfait.

Le résultat est à la hauteur de son attente : le tout est croustillant, gras à souhait et dégoulinant de Nutella.

Mercado Organico

Pour notre dernier jour à Oaxaca, nous traînons un peu et partons déjeuner au Marché Bio de la ville.
On commande notre dernier chocolat chaud – savoureux – à un petit vieux qui les prépare sur son feu de bois. On échange avec un couple de retraitées Canadiennes qui viennent passer l’hiver au chaud.

En fond sonore, un guitariste alterne standards des Stones et musiques traditionnelles. On s’attarde sur les petits stands d’artisanat local, comme pour retenir l’instant.

On se sent bien à Oaxaca.

En rentrant à l’hôtel, chacun prépare ses affaires, prêts à repartir pour la dernière étape de notre périple mexicain: Mexico.

Malgré le bruit incessant, les pétards assourdissants et les embouteillages permanents, nous avons tous beaucoup aimé passer un peu de temps dans cette ville.
Une ville pleine de vie, de musique, de fête et de tradition.
Une ville où nous reviendrons, c’est promis!

Oaxaca, on se reverra!


Goodies

Oaxaca Film Fest: le festival pour lequel travaille Simon, dont nous avons parlé dans le précédent article, se déroule chaque année en octobre. Des films du monde entier, des masterclass, et une réputation qui grandit chaque année.

Films à voir:  « Coco », la jolie de fable de Disney sur la fête des morts, s’inspire très largement de l’ambiance de Oaxaca. Pour les petits comme les grands.

La fête du jour des morts:  célébrée dans tout le Mexique, celle de Oaxaca est particulièrement réputée. Elle se déroule du 31 octobre au 2 novembre: mieux vaut réserver son hôtel en avance!