BORN TO BE WILD

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D’Alpine à Petrified Forest

Halloween chez les Redneck

L’arrivée à Alpine se fait sous la pluie

Mais il en faut plus pour décourager les enfants : ce soir, on fête Halloween! Une sorcière qui passait par là nous indique où trouver du maquillage, ainsi que le meilleur quartier pour faire du porte-à-porte.

« Trick or treats ! »

Les enfants, d’abord intimidés, s’enhardissent vite tandis que des fantômes et des morts-vivants nous ouvrent leurs portes et remplissent leurs seaux d’une montagne de bonbons.

A huit heures, la nuit est tombée, les habitants commencent à être à court de munitions, la police rôde et les pick-ups conduits par les parents, qui attendent moteur allumé à chaque coin de rue, rentrent au garage.

Le temps de retirer leur maquillage bon marché et de partager leur butin, puis tous les 3 s’endorment heureux à l’idée de l’indigestion qui les attend.

Halloween: 1 – Union Française pour la Santé Buccho-dentaire: 0

La nuit, il pleut, il fait froid, et nous réalisons le lendemain matin que notre camping-car est à peu près aussi étanche qu’une tente de scouts trop vite montée…

On the road to El Paso

Le lendemain, nous reprenons la route et traversons de nouveau Marfa, cette fois en direction de White Sands.

Arrêt obligé devant la boutique « Prada-Marfa » : un faux magasin Prada posé au milieu du désert, œuvre des artistes scandinaves Elmgreen et Dragset (à tes souhaits) dénonçant la société de consommation… Ils ne sont pas au bout de leur peine dans ce pays incroyable pour ses paysages et sa nature, mais à la consommation outrancière.

Prada-Marfa (tes souhaits)

En traversant El Paso, nous apercevons le mur qui marque la frontière avec le Mexique : d’un côté les bicoques cabossées de Ciudad Juarez au Mexique, de l’autre les immeubles et les kilomètres de malls et de magasins de déstockage aux Etats-Unis.
La ville signe aussi notre entrée au Nouveau-Mexique.

So long, the Lone Star State

Nous avons adoré sillonner ton territoire immense, et découvrir tes mille et une facettes.

Nine et Charlotte profitent de la pause déjeuner pour aller s’acheter des tongs, pendant que nous faisons un tour avec Jean. On observe les cowboys des temps modernes qui vont et viennent avec leurs caddies chargés: santiags, jean wrangler, chemise à carreaux, stetson vissé sur la tête. Il est quand même déçu que l’étui de portable ait remplacé le flingue à la ceinture… A part ça et leurs énormes pick-up V8 qu’ils chargent à la place de leurs diligences, leur look n’a pas vraiment changé en un siècle et demi.

Les paysages changent au fur-et-à-mesure que nous roulons. La terre devient plus rouge et l’environnement aride.

Au détour d’une colline, la plaine infinie de White Sands surgit tout à coup.

Fly me to the moon


Terrain de jeu de l’armée américaine et la NASA pour tester leurs missiles et autres fusées, la zone immense est régulièrement fermée au public.

Le parc est d’une beauté à couper le souffle, et nous saisit dès l’entrée: des dunes d’un sable aussi fin que de la neige à perte de vue. Sitôt garés, des gens viennent nous proposer leurs luges en plastique pour permettre aux enfants de dévaler les dunes.

 

Cinq minutes après, un groupe qui repart en avion vers Houston nous offre tout leur excédent de nourriture. Et quand les américains ont trop de bouffe, ils ne plaisantent pas : nous récupérons des cartons entiers de fruits, gâteaux, chips, eau…
Pour peu qu’il ne se nourrisse que d’acides gras saturés et d’OGM, un régiment entier aurait de quoi tenir un siège!

Nous sommes encore une fois frappés par la gentillesse des gens que nous croisons…

… mais aussi par la quantité de m… qu’ils peuvent ingurgiter!!

Nous remplissons nos gourdes, nous tartinons de crème solaire, et nous voilà partis à l’assaut de ces dunes de gypse – les plus grandes du monde – pour une balade de 2 heures inoubliables.
Seuls au monde dans un paysage irréel, nous nous arrêtons tous les 3 mètres pour prendre des photos.

Lost on the desert

White Sands est une superbe surprise, un îlot de désert blanc que nous quittons à regret en fin d’après-midi.

Nous faisons étape dans un camping qui tranche avec celui de la veille, dont l’ambiance était plutôt militaire et austère: l’accueil est chaleureux, et le décor far west dans son jus.
La salle qui sert de lieu de vie est un joyeux bric-à-brac. Les queues de billard sont rangées avec les fusils dans d’antiques cercueils tout droit sortis d’un vieux western, au milieu de portraits de John Wayne grandeur nature et de chapeaux de cowboys.

Le propriétaire des lieux porte lui aussi l’uniforme de rigueur dans la région, si ce n’est le cheval qu’il a troqué contre une voiturette électrique. Le lendemain matin, nous profitons du – mauvais – wifi pour nous faire un shoot de réseaux sociaux, et de nouvelles françaises.

Gallup! (Get on up)

Partis en direction du parc de Petrified Forest, nous décidons au bout de quelques kilomètres d’ajouter une étape et de bifurquer vers Gallup, une petite ville au sud d’Albuquerque.
Charlotte a repéré que la mythique route 66 y passait et un authentique diner des années 50 a retenu son attention.

Thunder Road

Sans l’avoir vraiment prévu, nous pénétrons en terres Navajo.

Les paysages sont, encore une fois, splendides. Les montagnes rougeoyantes bordent une terre semi-désertique.
Pendant le déjeuner, Charlotte nous fait la lecture, et nous apprenons que toutes les tribus indiennes se retrouvent à Gallup chaque année pour y célébrer leur culture et leurs traditions.

Pour la première fois, nous croisons des « natifs » amérindiens, qui constituent la majeure partie de la population de Gallup. Comme nous l’avions vu dans des documentaires, la plupart semblent désoeuvrés, obèses et/ou alcooliques.
Quelle tristesse de voir ce peuple qui a fasciné le monde et des générations entières aujourd’hui déraciné, entre traditions oubliées et capitalisme débridé.

Nous garons notre camping-car au Red Rock RV Park, au pied d’un chemin qui serpente au milieu d’un canyon et qui offre une vue imprenable sur le « Red Rock Church ».

Quartier libre pour tout le monde!

Charlotte et moi profitons de la lumière du soir pour aller nous balader.

En suivant le cours de la rivière asséchée, avec le soleil qui enflamme la montagne qui nous fait face, nous nous attendons à chaque instant à voir surgir des Peaux-Rouges au grand galop.

C’est finalement un couple originaire du Wyoming que nous croisons sur le chemin du retour. Un peu moins exotique, mais une belle rencontre quand même.
Après avoir vendu leur maison, ils voyagent depuis 3 ans de motels en AirBnB à travers le pays. Pas de programme, juste leurs envies pour guider leurs pas. La discussion passe des grands espaces à la solidité des moteurs Mercedes, en passant par ce qu’ils appellent les « cowboys de supermarché », qui n’ont jamais vu une vache de leur vie, autrement qu’hâchée et sous vide. Je repense alors aux cowboys que nous avons croisés avec Jean un peu plus tôt.

Nous les quittons devant notre camping-car, pendant que Jean et Louise se précipitent vers nous pour nous raconter leur rencontre avec un fennec.

Après une balade matinale, nous reprenons notre route le lendemain, en direction de Petrified Forest, non sans avoir écumé les magasins à la recherche d’un produit qui nous paraissait pourtant banal: une tablette de chocolat. Pas un mélange déjà préparé. Pas une tablette avec du peanut butter en-dessous et des smarties au-dessus. Juste du chocolat pour faire un gâteau nous-mêmes.


Nous atterrissons finalement dans une épicerie bio tenue par des Amérindiens. Le temps de nous extasier sur une tomate encore en grappe, ou une salade entière, et nous repartons, un sac en papier rempli de Kombutcha, de soupe de légumes et de yaourt entier sous le bras.

Charlotte respire !

Nous nous arrêtons dans des boutiques d’artisanat navajo sur la route, nichées au pied d’une grande falaise rouge, pour essayer de trouver un souvenir. Un aigle plane au-dessus de nous. Ambiance.

 

L’intérieur sent la cigarette et l’attrape-touriste, et nous repartons bredouille. Sur la route, des panneaux nous indiquent notre passage en Arizona: un état d’Amérique dans lequel Harry zona.

Life on Mars

L’entrée de Petrified Forest est spectaculaire: insoupçonnable depuis la route, une immense plaine et des collines éparses aux couleurs irréelles. « Painted Desert » – c’est le nom de l’endroit – donne l’impression d’être soudain sur une autre planète.

Après les allures lunaires de White Sands, nous sommes cette fois transportés sur Mars !

Nine et moi sortons prendre des photos. A notre retour quelques minutes plus tard, l’ambiance dans le camping-car s’est légèrement refroidie: Louise est en pleurs après avoir réalisé qu’elle avait oublié son appareil photo au pied de la falaise du magasin indien! Il est trop tard pour faire demi-tour, et nous sommes tous un peu énervés.  On pourrait entendre une mouche voler dans l’habitacle…

A ce sujet, on en parle maintenant de notre expérience en camping-car ?

Ah! Qu’est-ce qu’on est serrés, au fond de cette boîte!

Franchement, on a-do-re !

 

Plus sérieusement, ce moyen de transport présente de nombreux avantages, surtout aux Etats-Unis : il est très facile de circuler sur les routes immenses et rectilignes, comme de trouver un endroit où passer la nuit dans un superbe endroit. Contrairement à ce que l’on nous avait dit, nous faisons de nombreuses et belles rencontres tout au long de notre route. On peut rester dans une économie raisonnable en cuisinant dans le camping-car, et rien ne vaut ce sentiment de partir tracer la route dans une – petite – maison roulante…

mais passer de 400 m² avec jardin à 4 m² avec auvent électrique  possède aussi pas mal d’inconvénients.
Certaines mauvaises langues voulaient absolument glisser une petite caméra pour nous observer pendant ces 3 semaines (suivez mon regard): ils n’auraient pas été déçus!

L’état des routes est assez aléatoire, et le camping-car n’est pas franchement tout-terrain! Un trou et on fait un bond de 7 mètres à l’arrière, un mauvais revêtement et tout se met à vibrer, quand ce n’est pas la vaisselle qui valse. Le détecteur de fumée se met à sonner dès qu’on allume le gaz, l’habitacle est un mélange de toc et de rangements mal pensés: plusieurs tiroirs nous restent entre les mains, sans parler des rideaux qui ne tiennent pas ouverts,et nous avons à peine assez de couverts pour nous 5. Je n’ai toujours pas compris comment fonctionnait la batterie auxiliaire – qui a pourtant l’air assez utile si on en croit le mode d’emploi!! – et nous avons mis 4 jours à trouver comment marchait le chauffage. Nous devons faire le ménage environ 478 fois par jour, ranger 657 fois et il faut évacuer les eaux noires et grises tous les 2 jours dans des endroits appropriés. Nous dormons souvent à 3 dans le même lit car il fait trop froid la nuit dans la cabine du dessus, et les filles dorment à la place de Jean… Charlotte et moi avons eu plusieurs fois envie de continuer la route à pied, sous la pluie ou dans le froid, qu’importe, pourvu qu’on nous foute un peu la paix ne serait-ce que 5 minutes!

 Mais cette expérience nous a quand même apporté son lot de fous rires, de moments de complicité, de discussions, d’échanges, de paysages magiques, de couchers du soleil et de nuits étoilées que nous n’aurions sûrement pas eues en voyageant par un autre moyen.

 

Pas certains que nous devenions camping-caristes professionnels donc, mais ce voyage en valait définitivement la peine et je n’échangerai tous ces souvenirs pour rien au monde.

Si toi aussi tu aimes la géologie, nomme toutes ces couches sédimentaires

… Le paysage incroyable nous apaise vite, et il ne faut pas longtemps pour que nous commencions à croiser les premiers arbres pétrifiés, qui ont donné son nom au parc.

Les sédiments et le climat aride les ont conservés pendant des milliers d’années, et transformés peu à peu en pierre.

La route serpente entre les collines aux milles couleurs. Un émerveillement, et une vraie découverte pour tous.

Nous nous garons pour la nuit dans un parking situé juste à la sortie sud du parc, face à un magasin de souvenirs. Jean se fait offrir un éclat de bois pétrifié, qu’il choisit de donner à sa sœur, pour la consoler un peu.

Une fois tout le monde endormi, alors que je fume une cigarette sous un ciel étoilé, une voiture se gare non loin de nous, dans le parking jusqu’à présent désert.

Je ne tarde pas à échanger avec Heather et Lukas, visiblement usés par la vie autant que par la route qu’ils viennent de parcourir.

Ils ont été jetés hors de leur maison, en Ohio pour lui, et en Floride pour elle.

Le temps de les aider à vider l’arrière de leur pick-up pour installer leur campement de fortune – « Hillbilly ingeneering! » me répète-t-il alors qu’il installe des piquets de tente sur les côtés de sa benne, qu’il couvre ensuite avec une bâche de chantier – ils me racontent un bout de leur histoire. Une histoire somme toute classique de classe moyenne américaine, un peu cabossée par l’économie fluctuante de leur pays, et par les accidents de la vie. 

Une autre réalité de l’Amérique.

Malgré leur infortune, ils ont décidé de partir à l’aventure. Vers l’ouest, et puis le nord, à la rencontre des Northern Lights qui ont toujours fasciné Heather.

Elle, qui  me dit avoir vécu comme une princesse puis subi mille revers, trouve quand même la force de repartir, pour rebondir ailleurs. Avec l’aide de Dieu bien sûr. Et un peu de Budweiser aussi!

Je suis touché par leur gentillesse, et leur générosité, alors qu’ils me donnent une trottinette pour les enfants, jugeant qu’ils s’en serviront plus qu’eux.

Le lendemain, nous rassemblons un peu de notre stock de nourriture, que nous laissons au pied de leur pick-up, après avoir ramassé quelques morceaux de bois pétrifié qui jonchent le sol du parking.  Nous avons le droit de le faire ici, mais pas dans le parc, et à condition de les déclarer en  y entrant.

Nous retournons à Petrified Forest, et nous promenons à pied sur le « Blue Mesa trail », entre les collines multicolores, puis partons à la recherche des pétroglyphes- dessins primitifs gravés sur les rochers par les Puebloans, les indiens qui vivaient autrefois dans ces plaines.

Alors, ces couches sédimentaires?? J’attends!

End of part two!


Goodies

Effet Wow:  j’ai longtemps hésité sur le choix du matériel photo. Moi qui aimais tant mon reflex numérique, j’ai finalement décidé de m’en séparer, avec tous mes objectifs, au profit d’un – bon – téléphone avec une – bonne – optique. Pour des histoires de place, de coût, mais aussi et surtout parce qu’on ne sort pas un appareil photo comme on dégaine son portable, j’ai opté pour un iPhone 7+, reconditionné, qui présente l’avantage de faire vachement plus de trucs qu’un appareil photo (comme téléphoner par exemple). J’ai également acheté un stabilisateur Osmo Mobile 2: une sorte de manette multifonctions dans laquelle on cale son téléphone. Pour 150€ + un mini-pied à 10€, le résultat est -presque- parfait. De quoi se prendre pour Quentin Presque Tarantino.

Camping-car : tu aimes la promiscuité, les secousses et le manque d’intimité? Tu n’en peux plus de ta petite hybride, et tu voudrais toi aussi dépenser 25l/100km? Alors n’attends pas: contacte tout de suite le 0800-RV4LIFE! …En vrai ça s’appelle Camper Travel, un site de réservation qui regroupe les principales compagnies. Nous avons loué chez El Monte RV : on est ni pour ni contre (cf. plus haut) mais Camper Travel nous a permis de rester dans un budget raisonnable, tout en n’y connaissant rien.

Films à voir : beaucoup de Western ont été tournés au Nouveau-Mexique et en Arizona (Butch Cassidy & le kid, ou Wild Wild West). Des classiques, de Psychose à Il était une fois dans l’Ouest, en passant par Arizona Dream; mais aussi quelques chefs-d’oeuvre: 21 Grammes, (film d’Inaritu avec une floppée de beaux et bons acteurs), Easy Rider (si vous ne le regardez pas, écoutez au moins la B.O: vos cheveux pousseront et vous roulerez vous-mêmes vos cigarettes) Traffic,  No Country for Old Men… Perso on était plutôt en mode Captain Fantastic.

Livres à lire : « Les cochons au paradis » de Barbara Kingsolver. L’histoire de la petite Turtle (oui, je sais, c’est bizarre comme prénom. Vous comprendrez en lisant le livre!), une jeune indienne Cherokee recueillie par une femme pas très vieille non plus, un peu cabossée aussi, et qui vont se reconstruire toutes les 2, par la force de leur amour. Une jolie galerie de personnages, quelques péripéties, l’Amérique profonde et la plume unique d’une grande auteure américaine… A découvrir si vous ne connaissez pas déjà!

Séries à voir : si vous voulez apprendre à préparer de la métamphétamine dans une caravane, rien de tel que le désert du Nouveau-Mexique et la série « Breaking Bad ». Walter White et Jessie vont donnerons leurs meilleurs astuces.