MÉXICO MI AMOR

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Cinq indiens dans la ville

Chez Vincent

En descendant du bus de Oaxaca, avec plus de deux heures de retard par rapport à l’heure prévue, on se sent un peu comme Mimi Siku quand il débarque à Paris: paumés.


Ça pue. C’est bruyant. Les gens marchent vite et l’air est saturé.

On met près de dix minutes à trouver la sortie, on commande un premier Uber qui nous file sous le nez lorsqu’il s’aperçoit que nous sommes cinq. Le deuxième essai – cette fois avec un Uber XL – est le bon et nous nous engouffrons dans les embouteillages infinis de cette ville immense.

La nuit est déjà tombée lorsqu’il nous dépose devant le 129 Avenida México, dans le quartier de la Condesa.
La quiétude et la beauté des environs nous fait vite oublier cette arrivée un peu tumultueuse.

Le gardien nous donne les clés laissées à notre attention, et nous découvrons un appartement perché au 9è étage d’un immeuble de standing, comme on dit dans les annonces immobilières. L’endroit est spacieux et joliment décoré.

Ici, tout n’est que beauté, luxe calme et volupté.

« Ici », c’est chez Vincent, un ami de Sophie et Alex, mon copain d’enfance qui habite à New York et avec qui nous sommes allés voir Roo Panes: vous suivez??

Avant d’emménager dans la Grosse Pomme, ils avaient passé quelques années à México, et s’étaient liés d’amitié avec Vincent, un collègue de Sophie.

Il avait suffit d’un mail d’Alex avant notre départ pour que Vincent nous propose spontanément de nous accueillir chez lui. Comme si ça n’était pas suffisant, il était parti dormir chez des amis le temps de notre séjour.

« Vos enfants seront moins serrés, et j’ai des copains qui partent au Costa Rica pour les fêtes: ils seront ravis que je m’occupe de leur chat en leur absence ».

Pour le coup, personne n’était serré: trois chambres, une grande cuisine lumineuse au mur d’un bleu turquoise, donnant sur une grande fresque représentant Frida Kahlo, un salon confortable aux grandes baies vitrées.

Du balcon, la cime des arbres du Parque México et, plus loin, la ville à perte de vue.

On s’installerait bien ici pour quelques mois!

Eagle nest

Les enfants sont enthousiastes mais crevés. Nous les faisons dîner tôt avant de rejoindre Vincent pour faire connaissance dans un restaurant au coin de la rue.
Jean profite de l’occasion pour peaufiner ses dessins. Après l’inébranlable King Kong, E.T. fait son apparition, inspiré par une affiche vue dans l’appartement.

Un grand blond tout sourire nous attend en bas, et nous emmène dans un Japonais qui vient d’ouvrir.

D’origine toulousaine, il est arrivé au Mexique il y a dix ans, et l’on sent tout de suite un amour sincère pour sa terre d’accueil, qu’il nous avoue mieux connaître que la France du nord de la Loire. Il fait d’ailleurs 20°C mais il nous dit d’emblée que ce soir est le plus frais de l’année à México.

Il se sent bien dans cette ville tentaculaire au climat toujours clément, mais s’en échappe parfois pour se rendre dans la petite maison de bord de mer qu’il a fait construire dans l’état de Oaxaca, à une heure au sud de Puerto Escondido.

Dès nos premiers échanges, il s’est enthousiasmé pour notre projet de voyage en famille et nous a donné de précieux conseils sur notre itinéraire.

A part le plaisir de recevoir des inconnus et de partager un bout de notre aventure, rien ni personne ne l’obligeait à nous ouvrir la porte de son appartement. Nous mesurons la confiance qu’il nous accorde, et la bouteille de Mezcal que nous lui avons ramenée de Oaxaca nous paraît bien dérisoire au regard du cadeau qu’il nous fait.

Skyline

Il prévoit d’aller passer les fêtes dans sa maison en passant par la ville de Oaxaca: nous lui donnons donc toutes nos bonnes adresses de la semaine écoulée, Boulenc en tête.
Il nous enverra quelques jours plus tard un message depuis la fameuse boulangerie, nous remerciant pour le bon plan!

Comme d’habitude, la soirée passe trop vite et nous nous promettons de nous revoir, en Bretagne ou ailleurs.

La générosité et l’accueil de Vincent nous conforte un peu plus dans notre démarche, et nous espérons sincèrement que nous pourrons bientôt lui rendre la pareille.

Pour couronner le tout, sa literie est digne d’un palace 5 étoiles. Les lombaires de Charlotte lui en sait gré, et nous dormons tous les cinq d’un sommeil réparateur.

Chez Frida

Le lendemain, nous nous rendons à la Casa Azul, la maison de Frida Kahlo transformée en musée.
Idole de Charlotte depuis son adolescence, nous connaissons déjà bien le travail de cette artiste immense, et celui de son mari le muraliste Diego Rivera. Nous avions réservé les billets la veille par internet. À raison: la queue des visiteurs sans ticket semble s’étirer sur des kilomètres.

Située dans le quartier de Coyoacán, la maison occupe en fait presque tout un pâté de maison.

Les murs extérieurs peints dans un bleu profond et le liseré rouge-ocre qui souligne les fenêtres mettent tout de suite dans l’ambiance.

Une fois à l’intérieur, on découvre un grand patio ombragé, tout aussi coloré.

Tout y est beau et harmonieux.

On commence par l’exposition temporaire, qui dévoile une partie de sa garde-robe. Avant son décès en 1958, Diego Rivera avait fait le vœu de ne révéler les objets personnels de Frida que 50 ans après sa mort, survenue en 1954.
Plus de 6000 objets – dont sa garde-robe – n’ont donc été ressortis des limbes qu’en 2004.

Frida, atteinte de polio et multi-traumatisée lors d’un violent accident de bus lorsqu’elle avait 17 ans, était aussi connue pour son style chatoyant, destiné selon elle à faire oublier son corps meurtri et sa démarche boiteuse.

Las apariencias engañan – Les apparences peuvent être trompeuses

Le reste de la maison est demeuré quasiment en l’état, et tout ou presque renvoie à sa relation tumultueuse mais intense avec son imposant mari.

Nous aimons tout dans cette maison-musée, qui nous fait penser à Boufa, la maison en Grèce de mon oncle Jean et ma tante Danièle, sculptrice de talent aujourd’hui décédée. Elle aussi avait un handicap – elle était sourde: peut-être y faut-il y voir un lien?…

Little Frida & Diego Jr.

La visite se termine par son fameux lit, au-dessus duquel son père avait fait installer un miroir afin qu’elle puisse peindre lorsqu’elle était alitée.

Militants communistes de la première heure, Diego et Frida ont un temps accueilli Trotsky et son épouse, alors traqués par Staline.
Sa maison, elle aussi transformée en musée, n’est qu’à quelques blocs de là et toute cette période est au programme d’histoire de Nine.
Lorsque je leur propose d’y aller, les enfants ne sont pas franchement enthousiastes, et se contentent de me répondre en choeur:

« Trotsky tue le ski! »

Apparemment ils sont plus branchés par Kev Adams.

On se contente d’une ballade dans le quartier animé de Coyoacán, et nous entrons dans le marché couvert, pour déguster de délicieux tacos.

De retour à l’appartement, nous regardons «Frida» avec Charlotte – avec Salma Hayek aussi! – comme une piqûre de rappel.

Chez le Président

Le lendemain, nous partons en métro à la découverte de la Plaza de la Constitución, également appelée le Zócalo.

L’endroit est immense et pas franchement désertique. Des indigènes en grande tenue prennent la pose pour quelques pesos, tandis que d’autres proposent des séances de « purification spirituelle ».

On pénètre dans l’immense cathédrale – officiellement dénommée «Cathédrale Métropolitaine de l’Assomption de la Très Sainte Vierge Marie au Ciel de México»: en toute simplicité – l’une des plus grandes d’Amérique.

My god is better than yours

Dès son arrivée en 1521 dans la capitale Aztèque que l’on appelait alors Tenochtitlan, Cortès fit détruire l’intégralité du Templo Mayor et utilisa les pierres pour bâtir l’église en lieu et place des anciens temples.

Une religion chasse l’autre.

Les fondations des édifices aztèques ont été (re)découvertes un peu par hasard dans les années 70, et plusieurs maquettes permettent de prendre la mesure de ce que devait être l’endroit jusqu’au 16è siècle: immense, imposant et incroyablement moderne pour l’époque.

Sister Act

Après quelques – mauvais – tacos vite avalés en sainte compagnie, nous entrons dans le Palacio Nacional, siège du pouvoir fédéral, pour y découvrir les fresques de Diego Rivera. J’en profite pour faire réviser les enfants:

« Louise, tu te souviens de l’investiture qu’on a vue à la télé l’autre jour? Comment s’appelle le Président mexicain? »

« López Obrador! me répond-elle du tac au tac. Facile! C’est comme Jennifer Lopez aux bras d’or! »

Chacun ses moyens mnémotechniques!

Les peintures se lisent comme des bande dessinées. La plus magistrale retrace l’histoire du Mexique des conquistadors à nos jours. Si nous préférons l’univers de Frida, les fresques de Diego sont aussi intéressantes qu’impressionnantes. Certaines racontent les traditions pré-colombiennes, d’autres dénoncent l’oppression capitaliste et le rêve d’un Mexique communiste…

Où est Charlie?

Nous en profitons pour visiter le museo histórico attenant qui nous permet de répondre à toutes les interrogations suscitées par la visite de Monte Albán.

Louise est à court de pantalons – ou a des pantalons trop court, c’est selon – donc nous faisons un crochet par H&M. J’ai soudain l’impression d’être de retour en France: la boutique est bondée, la musique trop forte, les prix européens. Définitivement, je hais le shopping et le reste de la famille le sent bien!

Nous retournons à l’appartement sur les rotules après une journée bien remplie.

Chez la comtesse

Pour notre dernier jour au Mexique, nous choisissons de visiter un peu le quartier de la Condesa où nous séjournons.
Charlotte nous apprend qu’il doit son nom à la Comtesse de Miravalle dont l’hacienda couvrait autrefois tout le quartier. Elle y avait notamment son propre hippodrome, aujourd’hui transformé en parc.

On coupe par le Parque México – c’est son nom juste en face et croisons les armées de dogsitters qui promènent leurs chiens. A moins que ce ne soit l’inverse.
Jean veut tous les caresser. Il en profite pour nous décrire sa vie d’adulte, qui sera indubitablement à base d’animaux. Beaucoup d’animaux.

En l’écoutant, j’ai comme une impression de déjà vu.


On déambule dans les rues ombragées, bordées de jolies demeures cossues. Certaines sont dans un style art déco, d’autres ressemblent à des hôtels particuliers parisiens, d’autres enfin ont une architecture plus hispanique. Définitivement, on n’est pas dans le ghetto!

Nine reste travailler et en profite pour préparer ses cadeaux de noël, en pâte fimo évidemment.

Le quartier est paisible et agréable. On pousse jusqu’au parc de Chapultepec, le plus grand d’Amérique du sud avec plus de 600 hectares. Nous ne tardons pas à croiser des écureuils gourmands et curieux, comme à Central Park.

Louise et Jean seraient bien restés plus longtemps à courir après tous ceux qu’ils aperçoivent, mais il est déjà l’heure de partir.

Quitter le Mexique, après un mois si intense dans un pays que nous avons tous profondément aimé.
Dans le taxi qui nous mène à l’aéroport, chacun se remémore ses meilleurs moments.

Entre les requins baleines, les otaries et les tortues de Baja California, les paysages à couper le souffle du nord, les bons moments à Puerto Escondido, la semaine à Oaxaca et ces quelques jours à México, difficile de ne retenir qu’un.


Chaque jour nous a réservé son lot de belles rencontres et de découvertes.
Un pays aux mille facettes, riche de son histoire, de ses traditions, de sa population et de ses paysages.
Un pays dans lequel nous reviendrons pour quelques jours à la fin de notre périple. Nous avons déjà hâte.

Au Costa Rica, mes parents nous attendent déjà pour une semaine de noël en famille. Ça aussi, nous avons hâte!

Hasta Luego México, y gracias por todo!


Goodies

Films à voir:  « Frida », est un peu elliptique, et met surtout l’accent sur la relation passionnée de Frida Kahlo et de Diego Rivera, mais il reste intéressant à regarder. Bon, évidemment, il faut aimer Salma Hayek.

Série à voir« Narcos Mexico », Après 2 saisons en Colombie, la série Narcos arrive au Mexique.L’histoire (presque) vraie de l’ascension de Félix Gallardo, à la tête du Cartel de Guadaljara, l’un des cartels Mexicains les plus puissants. Bon, évidemment, il faut aimer la violence.

Livre à lire:  « Diego et Frida au pays des squelette » est un des livres préférés de Jean. Même si le thème est assez éloigné de la vie de Frida, il est surtout une excellente introduction à la tradition du Jour de la Fête des morts. Autre livre,très visuel cette fois, « Frida » de Sébastien Perez & Benjamin Lacombe, édité en littérature jeunesse mais en fait plutôt à catégoriser dans les beaux livres: des oeuvres de Frida Khalo en découpe laser, mais qui présentent une face assez sombre de l’artiste. Bon, évidemment, il faut aimer Frida Khalo.