BARRANCAS DEL COBRE

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Mule train!

De La Paz à Los Mochis

Après deux jours de repos bien mérités à La Paz, nous prenons le ferry pour traverser la mer de Cortez en direction de Los Mochis sur la côte ouest du Mexique, dans la région du Sinaloa.
Huit heures de navigation. L’ambiance à bord nous rappelle le ferry que nous prenons en Italie pour aller en Grèce. Nous errons de salon en salon, entre spectacle de clown, musique trop forte ou films des années 90 avec Stallone.

 

Avant de partir en voyage, j’avais eu la bonne idée de regarder la série «El Chapo» sur la vie du narcotrafiquant du même nom, à la tête du Cartel du Sinaloa, le plus violent et le plus sanguinaire de tous… Les trois saisons décrivent l’ascension des cartels du nord du Mexique, et, avec eux, de la criminalité et de la violence. A en croire la série, l’espérance de vie n’est pas la meilleure du pays!

Vamos a Los Mochis! Vamos a matárlos!

Pas de règlement de compte ni de dangereux mafiosi à bord du bateau, mais Mickaël, un géant de deux mètres originaire de Bourgogne, qui traverse les Amériques du nord au sud à bord de sa BMW 1200 GS, après avoir voyagé dans l’Europe entière à bord de son van. Encore une chouette rencontre.

Nuit à Los Mochis. Pas un coup de feu. Vraiment décevant!!

Barrancas del Cobre

Le réveil sonne à 4h45 et nous arrache d’un sommeil profond.
Charlotte n’a dormi qu’une heure, et les autres pas beaucoup plus. Nous nous hâtons de rejoindre le taxi réservé la veille, et traversons la ville endormie jusqu’à la gare de Los Mochis.

Des paysans aux habits colorés emmitouflés dans des couvertures attendent à l’extérieur.
A part un couple de backpackers, nous sommes les seuls étrangers.

Sur le quai, des hommes en armes patrouillent, tandis que les passagers chargent leurs paquetages dans les voitures.
L’impression d’être dans Tintin, avec les contrôleurs habillés en groom, les voyageurs qui passent leurs énormes bagages par les fenêtres. La foule est hétéroclite, mais on sent aux chapeaux des hommes et aux tenues chamarrées des femmes que nous pénétrons en terres indigènes, reculées et peu touristiques.

Chacun se couvre et s’installe pour terminer sa nuit.

Une vendeuse ambulante hèle les voyageurs: «Burritos! Burritos!». Nous lui prenons ses deux derniers sachets pour en faire notre petit-déjeuner.

Le train démarre lentement avec, en toile de fond, un lever de soleil qui justifie à lui seul le réveil matinal.

Le roulis des wagons nous berce et Charlotte et moi en profitons pour nous rendormir quelques heures.

J’entre-ouvre les yeux de temps en temps pour apercevoir d’autres hommes en armes passer dans les rangées. Certains ont des chiens. Tous sont lourdement armés, comme pour nous rappeler que nous sommes dans le Sinaloa, et que l’arrestation d’El Chapo est loin d’avoir réglé les problèmes de violence qui gangrènent cette région du Mexique.

Les paysages défilent lentement.

Les plateformes entre chaque voiture sont à l’air libre, et se pencher par la fenêtre pour voir le train serpenter entre les cactus et les blocs de granit rose est un spectacle d’un autre temps.

On peut y fumer : le rêve !

Des trains pas comme les autres, saison 17, épisode 43

Jean ne tarde pas à trouver un copain, qui ne semble pas parler un mot d’espagnol.  Mais quelques gestes leur suffisent à se comprendre. Un ou deux dessins de dinos et de dragons et les voilà meilleurs amis du monde.

Nous entrons en terre Raramuri, une communauté indigène d’environ 70.000 personnes qui possède sa propre langue. Littéralement « Ceux qui ont les pieds légers », ils sont connus pour leurs qualités de coureurs de fond et leurs traditions pré-colombiennes encore très présentes.
Ils ont fui le Sinaloa au moment de l’invasion espagnole au 16è siècle pour se se réfugier dans le Chihuahua voisin, au milieu des canyons profonds de Barrancas del Cobre. Malgré trois siècles de quasi-autarcie, leurs terres sont aujourd’hui menacées par des groupes miniers, et leur culture engloutie par la mondialisation. La plupart se retrouvent coincés entre tradition et modernité.

La mode locale est révélatrice de ce phénomène: jupe colorée traditionnelle et sweat à capuche!

De mon côté, j’échange avec un groupe de 8 femmes de Los Mochis chargées de centaines de kilos d’habits qu’elles s’apprêtent justement à donner aux enfants Raramuri nécessiteux.
L’ambiance à bord est sympathique. Entre les familles endormies, les contrôleurs qui passent et repassent, le wagon-restaurant d’un autre temps, les rires des uns, les ronflements des autres, les vendeurs ambulants et les danseurs traditionnels, on se sent transporté à une autre époque, bien loin du silence feutré d’un TGV français.

Après presque dix heures de virages, 37 ponts et 86 tunnels, des canyons vertigineux, des arrêts au milieu de nulle part et des paysages dignes de Jurassic Park, le train nous dépose dans la petite gare de Divisadero.

Seulement 2 heures de retard. Presque aussi bien que la SNCF.

Le temps d’une pause quesadillas au bord du quai, nous regardons le train repartir lentement.

Street food = Best food

Nous slalomons entre les dizaines de chiens errants – « Non, Jean, celui-là non plus tu ne peux pas le caresser. Encore moins te faire lécher le visage non… »- et les échoppes Raramuris, pour arriver à notre hôtel, posé au bord d’un canyon grand comme quatre fois le Grand Canyon.

 

Barrancas del Cobre, qui signifie « les canyons du cuivre » du fait de leur couleur, sont un ensemble de six canyons immenses et profonds. Lorsque la lumière du soir tombe sur les massifs à perte de vue, on savoure le spectacle sans aucune perche à selfie.

Imagine un grand canyon. Ben c’est encore plus grand.

First fail

Il fallait bien que ça arrive…
Première erreur: nous avions bien aimé un blog qui parlait de ce coin, et du seul hôtel du village. Du coup, nous n’avons pas cherché plus loin. Nous avons réalisé sur place qu’il en existait en fait deux autres, bien moins chers.
Deuxième erreur: en réservant l’hôtel la veille par téléphone, en plus de ne comprendre qu’un mot sur deux, j’ai donné mon numéro de carte.

Sitôt raccroché, mon téléphone vibre et m’annonce que 225€ ont bien été prélevés de mon compte!

Le triple de ce qui était annoncé sur leur site – 81€ – ce qui est déjà cher pour le pays!

Le personnel de l’hôtel n’est pas très aimable de prime abord, mais il devient carrément désagréable quand je me plains de la situation auprès du manager – opportunément en déplacement à Chihuahua à ce moment-là.

Pour le prix, nous n’avons que deux lits, dans une chambre minuscule. Le chauffage ne marche pas et on se les caille dès le soleil tombé. Il n’y a pas d’eau chaude (bon, OK, là-dessus on est un peu de mauvaise foi: on avait juste pas compris comment ça marchait!!).

Après avoir passé mes nerfs au téléphone sur le manager par téléphone dans un spanglish des plus fleuri, il consent à nous donner une deuxième chambre, bien incapable de m’expliquer pourquoi ils m’avaient pris autant d’argent, 

Le dîner, même pas digne d’un self de collège de ZUP,  nous est servi au lance-pierre par un personnel détestable et, malgré la vue à couper le souffle, nous n’avons aucune envie de traîner plus longtemps dans cet endroit.

C’est un hôtel d’escrocs, accroché à la montagne…

Le tarif comprend également une «visite guidée» le lendemain matin. En fait de guide, nous avons droit à un imposteur à chapeau de cowboy, pendu au téléphone, qui marche 20 mètres devant nous en nous racontant n’importe quoi.

« Quels animaux on trouve dans le canyon ?»
« euh ben…surtout des petits animaux. Mais aussi des gros. Y’a des oiseaux. Et des lions aussi »

« Ben voyons! me glisse Nine, et pourquoi pas des girafes tant qu’on y est! »

… En fait de lions, sans doute voulait-il parler des pumas, présents dans la région mais très durs à apercevoir. Nous n’avons pas vu grand chose, à part un paysage aussi splendide que vertigineux, et les talons fuyants des santiags de notre guide.

Nous longeons la gorge jusqu’au téléphérique, où nous passons notre tour: 15€ le promène-couillon; merci bien, on a déjà donné.
Nous ne sentons pas à notre aise devant les étals d’artisanat local tenus par des enfants plus jeunes que Jean, qui semblent tristes et désabusés.

Nous sommes les seuls touristes, pourtant les stands sont nombreux, et débordent d’articles plus colorés les un que les autres.

Les objets sont pour la plupart jolis et peu chers, mais nos limites de bagage représentent la meilleure excuse pour limiter les dépenses.


Le guide peut se gratter pour le pourboire qu’il attend pourtant.
Nous nous engouffrons dans un bus en direction de Creel, non sans avoir prévenu ma banque lui demandant de faire opposition.

Creel

La route ne s’arrête pas un instant de tourner pendant un peu plus d’une heure. Louise a vite du mal à lire ses cours.

 

Arrivés sur la place du village, une française au look de punk à chien nous aborde très gentiment en nous proposant son aide.
Tombée amoureuse d’un habitant du village après avoir voyagé pendant 2 ans un peu partout et traversé l’atlantique en bateau-stop, elle nous indique un hôtel et quelques adresses à des prix bien plus raisonnables que la veille.

Fatigués et énervés, nous restons sur la défensive lorsqu’un sosie de Sergent Garcia nous halpague à l’entrée de l’hôtel, et nous propose une chambre pour moins de 30€ : elle est pourtant spacieuse, avec 3 grands lits, un chauffage flambant neuf, et un délicieux restaurant attenant.

On reprend des couleurs !

La petite ville est mignonne et les bâtiments comme les tenues sont colorés.

Cependant, nous sommes ressentons un climat étrange au sein de cette communauté, polie mais renfermée sur elle-même. Malgré leurs jupes chamarrées et leurs foulards de couleurs, nous avons le sentiment d’une population totalement désoeuvrée, shootée au soda, le regard perdu et le sourire absent.

A part le manager de l’hôtel, personne ne nous parle vraiment.

Même les enfants, d’ordinaire joueurs et agités, sont éteints, tristes.
La raison réside sûrement dans les cinq siècles de pression coloniale, d’oppression culturelle, et de sur-exploitation minière. Le tourisme grandissant que nous incarnons malgré nous n’y est sans doute pas étranger non plus.

Les alentours sont paraît-il très beaux et tout le monde nous recommande diverses excursions: vers la vallée des moines, les sources d’eau chaude, les cascades ou le lac.
Mais, après avoir ratissé toute la ville, impossible de louer un vélo à la taille de Jean. Nous renonçons aux  quads, pour cause d’expériences passées un peu douloureuses.


La Valle de las Ranas semble être la seule option à pied. Nous prenons vers la sortie de la ville. On passe le cimetière coloré pour arriver dans une jolie vallée entourée de roches rondes de granit.
Le paysage est beau mais il est un peu gâché par les quads et les pick-up qui soulèvent des nuages de poussière à leur passage.
La vallée abrite le village de Ubicada.

A l’attaque!

Nine tire une tronche de 15 pieds de long sans qu’on sache vraiment pourquoi… Louise n’est pas de meilleure humeur.

On se rappelle alors qu’on voyage avec des ados.

Franchement les balades à pied, c’est trop pas stylé.

Nous arrivons finalement devant la petite église de San Ignacio, et ce qui nous semble être une école à côté. Tout le monde est fatigué, et nous décidons de faire demi-tour.

Nous repartons avec un sentiment mitigé: comme l’impression de déranger, de ne pas faire du bien à cette communauté qui n’aspire qu’à la tranquillité.

Après deux jours à Creel, nous reprenons le bus en direction de Chihuahua.
Les six heures que durent le trajet ne nous font pas peur: nous avons tous hâte de prendre l’avion le lendemain matin, pour retrouver nos amis Hélène, Simon, et leur fille Margot à Puerto Escondido!

¡Que le vaya bien!


Goodies

Livres à lire:  J’avais été très marqué par « La Reine du Sud » d’Arturo Perez Reverte. L’histoire vraie de Teresa Mendoza, une mexicaine qui s’est hissée à la tête du trafic international de drogue. Aussi haletant qu’instructif. Le livre a donné lieu à toutes sortes d’adaptation en film et en série, mais je vous recommande vivement de vous arrêter au livre…

Séries à voir« El Chapo » . Si vous regardez les 3 saisons en VOST, vous connaîtrez 67 façons différentes d’insulter quelqu’un en Mexicain. Ça peut aider. Ou pas.
Sinon vous pouvez toujours tenter l’une des innombrables télénovelas mexicaines, mais, attention aux effets secondaires en cas d’abus: certains se sont mis à aimer la moustache, porter des santiags en croco, une chaîne en or autour du cou, mettre des piments dans leurs céréales du matin, ou même se faire interviewer par Sean Penn…

Films à voir:  Avec Charlotte, nous avons eu la brillante idée de regarder « Sicario » la veille de notre arrivée à Chihuahua… C’est à peu près aussi rassurant que de regarder le « Blairwitch project » avant un week-end en forêt entre copains.
Dans un registre plus raisonnable, les enfants ont revu avec plaisir « Coco« , la jolie fable de Disney sur le pays des morts. Jean est aussi devenu un fan des « Cités d’Or« : une bonne façon de l’initier aux civilisations pré-colombiennes, même si le dessin-animé ne se passe pas entièrement au Mexique.

Kezaco quesadilla??:  on doit avouer qu’on partait sans doute un peu confiants. Biolotte était le référent absolu pour la traduction des menu au restaurant. Elle pouvait dire bonjour en espagnol à un Grec sans s’en apercevoir , mais elle ne se trompait jamais pour déchiffrer « sauté de veau au poivre doux » sur un menu en arabe, ou « parmentier de patates douces sauce raisin de corinthe » dans un restaurant grec.
Mais, arrivés au Mexique, on s’est retrouvés un peu paumés…
« Cual es la diferencia between una tortilla y une quesadilla por favor? »
Alors on est allés voir sur les Internet, on a lu cet article… et on est repartis le lendemain, remontés comme des coucous mexicains dans la première taqueria venue.
Sauf qu’on comprenait toujours rien. Certains tacos n’étaient pas recourbés, d’autres au contraire étaient tout enroulés et les quesadillas ne ressemblaient pas du tout à celles de l’article.
C’est notre copain Simon qui nous a donné un début d’explication: chaque région possède sa façon de préparer les plats les plus populaires, et certaines désignent des plats sous d’autres noms…
Bref, on y comprend toujours pas grand chose, mais comme tout est délicieux, on en redemande… et notre balance, elle, semble avoir bien compris ce que sont les burritos!!!